De
toutes les facultés, qualités, avantages et dispositions humaines,
la volonté nous semble être la plus indispensable à l'homme. Sans
volonté, l'homme n'est définitivement rien et c'est par elle qu'il
peut se hisser jusqu'à la plénitude de sa destinée. D'autres
qualités lui sont certainement utiles mais aucune davantage que
celle-ci. La beauté est un attribut sans aucun doute très
avantageux pour l'homme, le rendant, naturellement et sans effort,
agréable aux autres, plaisant, aimable, charismatique.
Mais c'est
aussi pour les mêmes raisons un ferment redoutable de déséquilibre
psychologique, la satisfaction rapide de leurs désirs et l'obtention
fréquente de privilèges affaiblissant leur instinct naturel
d'élévation, leur sens de l'exigence morale et intellective, leur
vouloir et leur esprit de conquête en tant que forces de création
et de mouvement pour la société ; ou tout au contraire en
démultipliant, en dehors de toutes limites acceptables, leur
prédation excessive et violente encouragée par le mépris que leur
inspire leurs semblables si prompts à céder à leurs exigences. La
richesse dans sa capacité à obtenir toutes formes d'acquisition,
dans sa logique de possession indéfinie, est un remarquable outil de
changement et d'action sociale, mais peu d'hommes sont à la hauteur
de cette opportunité matérielle.
La quasi totalité voient sous
l'effet de la richesse, leurs instincts s'émousser, leurs qualités
s'affadir et leurs vertus s'évanouir. Des croyants s'éloignent de
Dieu s'en présumant affranchis, l'argent leur fournissant tout ce
dont ils ont besoin, s'imaginent-ils ; des non croyants
s'érigent comme des dieux sur la Terre, convoitant tout ce sur quoi
leur regard se pose et que leur porte-feuille peut leur offrir.
Source de corruption, la fortune mène l'homme à sa perte en lui
ôtant la valeur des choses, en le privant de leur coût.
L'intelligence est assurément une qualité bien noble et, elle
aussi, extrêmement utile.
Sa faculté de discernement, sa capacité
à entrevoir des relations là où d'autres ne voient que des
éléments isolés ou au contraire à opérer des distinctions quand
d'autres se prêtent volontiers à la confusion des genres, sont
autant d'attributs salvateurs et propices à élever l'homme dans
l'échelle de la considération des êtres.
Mais l'intelligence ne
rend pas un homme plus heureux, ni ne suffit à lui permettre
d'atteindre les buts qu'il s'est fixé. Sa lucidité et sa capacité
à saisir les êtres dans leur fondement peuvent le mener au
pessimisme plus rapidement qu'une chute d'eau n'atteint le sol. Sa
lenteur nécessaire, ses multiples interrogations et sa distance avec
les choses font, d'ailleurs, de l'intelligence une disposition
souvent impropre à l'action. Beauté, fortune, intelligence :
il n'est donc pas un seul bien que ces avantages puissent fournir qui
ne puisse être lui-même obtenu par de la volonté.
Ce que ma faible
intelligence ne peut obtenir, ma volonté peut l'acquérir à la
sueur de son front, par l'effort, par l'étude. Mieux : ces
efforts accroissent mes autres aptitudes, et par la volonté, me
voilà devenu plus intelligent. La fortune me manque ? La
pugnacité de ma volonté la compensera aisément par son labeur et
la sagesse née de la tempérance que la modestie m'enseignera m'en
délivrera assurément. La beauté ? Rien n'égale celle de
l'accomplissement né d'un surpassement de l'homme dans ses actes,
dans ses œuvres, dans sa vie.
Au final, ce qui fait de la volonté
la chose la plus précieuse qu'un homme puisse détenir c'est qu'elle
seule peut améliorer ou compenser toutes celles qui peuvent lui
manquer, lui faire défaut, et qu'elle seule, par ailleurs, peut lui
permettre d'être ou de devenir réellement ce qu'il se doit d'être :
lui-même.
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