jeudi 25 décembre 2014

Les vertus du silence...















Parler. Bavarder, déblatérer, discuter. Prendre la parole, assommer l'auditoire, papoter. Parler sans s'arrêter. Discourir, critiquer, dénoncer, défendre, promouvoir. Parler encore et déverser des flots d'écumes sonores sur l'assemblée. Le mal de notre époque. Avoir un avis sur tout et s'imaginer incarner la singularité. Assez, il suffit. Silence...

Le remède à soi est dans l'écoute des autres. Apprenons à nous taire. Efforçons-nous de ne plus entendre mais d'écouter. De regarder, de saisir, d'absorber l'autre. Écoutons le cœur parler, saisissons les traits de l'âme, observons les mouvements de l'esprit. Le trop plein de nous-même est un manque de l'autre. Rendons-nous disponible, purgeons-nous du Moi. Et soyons convaincus qu'abreuver les autres de notre écoute est le meilleur moyen de remplir notre propre carafe. 

Ténèbres II...



















Jonas avait tourné le dos à Dieu et s'embarqua sur un navire. Mais le malheur s'abattit sur le bateau et l'équipage jeta Jonas par dessus bord. Plongé dans les eaux glaciales du désarroi, Jonas fut happé par une baleine et englouti dans ses entrailles. Noyé au cœur des ténèbres, humilié par son désaveu, brûlé par les larmes de feu de son amertume, Jonas avait trouvé l'obscurité pour avoir délaissé son Seigneur. C'est alors qu'enseveli de trois voiles opaques de ténèbres, l'homme à la baleine retrouva la lumière et gagna l'insigne rang des prophètes victorieux. La foi n'est jamais plus vive qu'au crépuscule, et qui a-t-il au delà des ténèbres sinon Dieu lui-même ?

Ténèbres I...


















Le monde n'est pas ce qu'il semble être. Les hommes nous sont inconnus car les cœurs n'ont pas de façade. La société est un désert de ruines, d'âmes en peine, habité. Les femmes calculent, les hommes sont veules. Les êtres plongent, les bêtes succombent, les charognards triomphent. La scène prend fin, la représentation s'achève. Le théâtre du monde vient de s'éteindre. Mais qui éteindra ce feu qui nous déchire les entrailles ? Les cendres pleuvent et la terre, impatiente, nous réclame. Un décor nous fait face avec une pancarte. Des lettres sinistres y sont gravées, et on peut difficilement lire l'inscription. "Ténèbres"...

jeudi 4 décembre 2014

Enfanter le chaos


Je m'étais juré d'enterrer la hache de guerre, de décrocher et de tourner le dos définitivement à la guerre, au conflit, à la violence dussent-ils être justes. Je m'étais promis de ne plus contribuer au désordre du monde étant entendu que ses partisans sont innombrables, que les guerres remportées ou perdues nourrissent d'autres guerres et que le cycle de la violence est intarissable. Je tendais pour une fois vers une autre voie : la paix perpétuelle. Mais voilà ! La bataille des mots, la folie des hommes, la haine des partisans, les flots opaques et meurtriers se massèrent devant moi, baignant mes côtes, guettant le moment de la confrontation, l'appelant même de ses voeux car je sais maintenant que l'ivresse de la destruction est leur opium. Les maux s'accumulaient, les blasphèmes pleuvaient de sous-terre, la lave hideuse de la suprématie coulait, se répandait un peu partout, la calomnie devenait la langue du peuple et l'anthropophagie sa nouvelle religion. Que fallait-il faire ? Enfiler de nouveau la cuirasse ? Aiguiser ma plume ? Me forger de nouvelles armes ? Jusqu'à quand et jusqu'où ? Je l'ignore absolument. Peut-être que je n'aurais pas à choisir. Peut-être que la guerre s'imposera à moi car plus je la fuyais et plus elle m'épiait, me suivait et à présent me harcelait. Cette garce en treillis me désirait, me voulait pour elle. Enfanter le chaos par les atours charmants de la justice était son jeu préféré et je dois reconnaître qu'elle y excellait. Peut-être. Mais pas nécessairement. Qui vivra, verra. 

Vent glacial


Le froid de l'indifférence humaine fait plus de victimes que le blizzard mortel de l'hiver.

dimanche 30 novembre 2014

Le vagabond des étoiles




A Jack London...

O peuple de la nuit ! Vallée d’étoiles mortes, cohorte de corps sans âmes. Foule bannie des foyers paisibles, bercés par la chaleur apaisante des cheminées dorées. O sombre légion d’esprits agités, du lit éternel de la paix, refoulés. J’ai vu ton pas inquiet franchir le territoire des ombres et s’inviter à mon insu sur les sentiers perdus de mon cœur, mis à nu. Halte là. Cette porte vous est interdite. Rebroussez chemin, je ne suis pas issu de vos rangs. 


C’est vrai, je l’avoue j’ai parfois arpenté les couloirs pathétiques de la peine, lâche et sinueuse. Oui, j’ai échoué tout comme vous mais comme vous, je n’ai pas renoncé. Je ne suis que de passage et les mirages de la désolation, infinie, obscure, froide comme la mort, les bras si magnanimes, si généreusement ouverts aux voyageurs du désespoir, le sourire cynique et le front plissé, la tunique sanglante et les meurtrissures cachés, toutes ces plaies béantes ne sont pas pour moi, je ne suis pas près d’y céder.


Je poursuis une autre voie. Alors demi-tour. Le projecteur lunaire ne cesse de vous harceler, braquant vos visages éblouies et harassés par le spectre pâle du tortionnaire, je le sais. Je connais tout cela mais toutes les routes aussi détournées soient-elles ont une sortie. La mienne est proche et j’ai survécu à la Nuit la plus longue de ma courte vie. Le choix s’offre à vous : rejoignez-moi ou disparaissez. A vous votre destinée et à moi la mienne.      


vendredi 28 novembre 2014

La complainte de l'insomniaque



Je suis à la recherche d'une nuit de sommeil, une authentique et véritable nuit de sommeil, ce qu'on appelle l'envolée nocturne, l'excursion céleste, la sortie de soi vers l'ailleurs, l'enclave du repos, la source chaude de la délicatesse, le lit douillet de la terre, le souffle tiède de l'Eden, la paisible obscurité des fonds. Je cherche mais je ne trouve pas. Quand la nuit vient te traquer dans l'antre sépulcrale de ton refuge, qu'elle t'aspire et te renvoie vers le monde lunaire, te voilà debout, titubant dans la lueur astrale. Une fois sortie de l'eau inférieure, de ce liquide précieux qui t'enveloppe de ses bras consolateurs, tes pas sont lourds et ton esprit de plomb. Je cherche la nuit d'un rêve, la soie d'un drap, l'abysse, O calice emporte moi au pays de l'oubli où nul ne troublera plus mon repos... 

jeudi 27 novembre 2014

Dans la tempête...















Plus que jamais, je suis le capitaine d'un navire emporté dans les affres de la tempête, transpercé par les 7 rugissantes, frôlant à chaque instant la mort, naviguant entre les lames du péril. Par Dieu, je franchirais les colonnes de l'abîme ou périrais dans les eaux glacées de la Nuit.

samedi 22 novembre 2014

Oui, peut-être


















Ecris peu, écris mieux. Ecris loin pour écrire bien. N’écris pas pour les autres mais écris-toi pour être des nôtres. Appliques-toi, ne répliques pas. Abstiens-toi et tu verras ce qu’il faut voir. Laisse ton esprit prendre la plume et la tremper dans l’encre écarlate de ton cœur. Ce que tu n’as pas écrit de ton sang s’effacera dans l’instant. Il n’est pas de vérité née d’un livre, seulement des bribes tombées de l’Au-delà, rosée vite convertie en Lois. Sois ce que tu dois et fais ce que tu sais. Et n’oublie pas de vivre.  

Chronique pré-mortem

Le cavalier, la Mort et le Diable de Dührer. 

Hier soir, j’ai défié la Mort. Deux années déjà s’étaient écoulées depuis notre dernière rencontre. Cet instant fatidique, je ne l’oublierais jamais. Les moments de crise sont des moments de révélation. Ce soir-là, j’avais appris deux ou trois vérité sur moi que j’ignorais. C’est ainsi que j’ai su que notre relation à elle était vaine et que rien ne préparait à sa rencontre, eussions-nous été de la première piété. Notre âme nous échappe, notre corps nous trahit. Le doigt asphyxiant de l’Ombre fatale s’était posé sur ma poitrine. Eu-t-elle posé la main que je serais passé de l’autre côté. Depuis, plus rien. La vie s’est comme suspendue. Mourir, c’est avoir peur de mourir. Les dernières bouffées d’oxygène s’étaient raréfiées et je semblais humecter les gouttes ultimes d’une gourde désormais vide de vie. J’avais soif de vivre. Etonnant. Qui avait-il de si précieux qui méritât d’être sauvé ? S’éclipser de la scène mondaine, j’en rêvais, et pourtant. Vivre, c’est ne plus avoir peur de mourir. Les vivants ne s’en doutent pas, les morts ne s’en préoccupent plus. Les hommes en sursis s’interrogent dans l’antichambre de la Mort. Le sommeil nous enlace et le rêve nous aspire vers des univers extraordinaires. Je vole, nous volons ensemble vers les Cieux. Le monde ne semble plus être ce qu’il était. Alors ? Alors, j’ai défié la Mort du regard. Par lassitude, par esprit de révolte. Prends ce que tu veux, je ne te crains plus. L’Enfer est l’absence de Dieu. Et tu mourras toi aussi. Comptes sur moi pour te le rappeler. 


samedi 15 novembre 2014

Liberté, que de crimes on commet en ton nom...
















Je m'interroge. Irions-nous jusqu'à dire qu'un célibataire est un homme libre qui s'ignore et l'homme marié un esclave qui se découvre ? Un homme en cellule fait-il l'expérience de la liberté dans sa privation, mieux qu'un homme libre dans sa damnation sociale ? Si la liberté doit s'acquérir dans la souffrance, est-elle encore liberté ? Un homme d'état africain avait dit un jour cette phrase : "Je préfère rester libre dans votre prison que prisonnier dans votre société". Il avait été incarcéré pour ses idées. Jusqu'où faut-il aller pour rester libre ? A quel prix faut-il l'estimer ? Etre juge et partie de soi-même. Il n'y a pas de réponse juste à une question absurde. Il n'est pas de requête légitime qui soit fondée sur la souffrance d'autrui. Une nuit de plus dans la Nuit de l'esprit...        Allah.

dimanche 9 novembre 2014

La place de Dieu
















Entre le pécheur et le péché se trouve 

la distance du Ciel et de la Terre. 

Tu y trouveras l’inertie insouciante du vide négateur. 

L’espace magnanime de la repentance sincère. 

Le vent fécond du pardon. 




















La brise gelée du regret. 

La houle secrète des nuées célestes. 

La pluie douce de l’oubli. 

La nuit obscure des pauvres âmes. 


















Le froid glacial du soir, o désespoir. 

L’aurore rougeâtre du toit sacré. 

La sonate mineure des frêles rongeurs. 

L’adhan furtif des Anges oisifs. 















L’été divin des pieux pèlerins. 

L’automne fugace des vieux rapaces. 

Entre le pécheur et le péché se trouve la distance sacrée. 

La place de Dieu. 


samedi 8 novembre 2014

Réminiscences


















-Heureux sont ceux qui ont un cœur de loup car ils vivront en maître  dans ce monde ou périront en héros...

                                                    












-J’ai allumé un feu dans mon cœur pour y brûler toutes les idoles. Les  êtres aimés ont péri.  Les passions terrestres se sont embrasées. Les souvenirs, réduits en cendre. 

 Croyant la tâche terminée, je me préparais à prendre la route, mais le  feu brûlait toujours.  Il restait des choses. J’ai vidé la totalité de mon  sac. Livres, babioles, parfums. Ecrits,  documents, photos. De tout cela,  je n’avais plus besoin. 

 Le feu ne voulait pas s’éteindre. Bon sang, mais que restait-il ? Tout  avait volé en fumée.  Presque tout. Mes proches s’en étaient allés.  D’amis, je n’avais plus déjà, depuis une  éternité. De mémoire  d’homme, mes traces s’étaient effacées. Quoi alors ? Je cherchais. 




















Mes ennemis repensaient-ils à nos combats ? Je n’avais plus de haine pour eux, je n’en avais jamais eu. Mes œuvres elles-mêmes étaient restées, tout comme moi, dans l’ombre. Alors ? Oui, sans doute. Il restait une chose. Moi. 

Il fallait donc finir ce qui avait été commencé. Je me dirigeais d’un pas cérémonial vers ce bûcher sauvage des vanités ancestrales. Par Dieu, je brûlais. Par Dieu, je renaissais. 

La vase égotique s’évaporait, la peau de l’âme, calcinée, tombait. La chaleur de la destruction me réchauffait le cœur. La souffrance disparaissait et ses cris se noyaient sous les litres de soulagement déversés par ces yeux qui ne m’obéissaient plus, pas plus que ce corps ne l’avait fait. 


















Par Dieu, je n’existais plus. L’heure ultime du retour vers l’Etre touchait à sa fin. Et c’est ainsi que je fus, enfin.  
   



                                                      
-Ne juges jamais car tu es perdu. Ne juges plus, car maintenant tu sais. Tu sais que le  meilleur peut-être engendré par la boue et qu’il fut un temps où les ténèbres ont voilé la  lumière d’un feu intime et déchu. 

 Maintenant que tu sais qu’il est vain de juger, apprend à pardonner et à aimer Celui qui  aime même quand tu l'as oublié. 

 Tu es perdu. Tu as perdu. Tu le sais maintenant, alors célèbre la  victoire des vaincus, la  défaite des proches, la reddition des illusions. Le retour de l’aube.

samedi 4 octobre 2014

A propos du jugement...



Deux choses nous libèrent du jugement moral. La connaissance et l’amour. Ce que nous avons su, ne nous est pas toujours connu. Ce que nous connaissons nous délivre des illusions du faux savoir. L’expérience nous est  indispensable. Elle confère une forme aux idées les plus pures, les plus enivrantes, les plus inflexibles. Le pardon, la miséricorde, l’amour : trois noms d’une seule et même voie. Celui qui s’engage à suivre cette voie se détache peu à peu du jugement et se répand dans les écoulements de l’oubli. La certitude de l’esprit est un immobilisme qu’il convient de fuir car il est synonyme de mort. Combien parmi nous voit dans le jugement moral l’excellence de la voie, celle qu’ils ont de tout temps choisie ? Que Dieu nous préserve de juger les autres. Nous saurons alors nous juger nous-mêmes et pardonner aux autres. La paix et la sérénité du cœur sont les conditions du pardon. Le détachement et la prière sont les voies qui y mènent.        



samedi 20 septembre 2014

Galerie


Seo Yeong-Deok



Diego Riviera



BEN GOOSSENS photography - prisonners of fashion



Jacobo Vignali "La jeunesse et la mort"



La femme au masque Jacopo Vignali

Antiterrorisme : les conseilleurs ne sont pas les payeurs


















Le gouvernement a présenté lundi 15 septembre son projet de loi pour renforcer les dispositifs juridiques dans la lutte que mène la France contre le terrorisme, sur son territoire ou dans les différentes zones où la France est susceptible d'intervenir. Dans son édition de cette semaine, Zaman France s'est entretenu avec le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Pierre Tartakowsky.

La LDH, comme beaucoup de journalistes et de juristes, a exprimé son inquiétude à propos de la philosophie qui conduit ce projet de loi. Des dispositions de ce texte ont en effet de quoi effrayer sur l'ampleur de certaines préconisations. Ainsi, toute personne visitant un site internet appelant au jihad, incitant à se rendre en Syrie ou autre, sera potentiellement suspectée de terrorisme.

Si vous êtes chercheur en géopolitique, journaliste travaillant sur le terrorisme, ou simple curieux, vous êtes prévenu : toute visite sur un site faisant l'apologie du terrorisme risque de vous coûter cher. Le texte prévoit également l'interdiction de quitter le territoire français sur une période pouvant s'étendre à six mois avec suspension de passeport, en cas de «raison sérieuse» liée à un départ vers les filières syriennes et irakiennes de combattants. Pierre Tartakowsky évoque un point essentiel qui mérite un développement particulier.

Le fait que ce projet de loi réponde à des considérations émotionnelles qui sont celles de l'affaire Nemmouche et plus généralement de toute image, vidéo ou information relatant un acte de violence terroriste, avec dernièrement les vidéos de décapitations de ressortissants occidentaux par l'Etat islamique. Le terrorisme est une affaire très grave et qui concerne tout un chacun. La condamnation est pleine et entière de ces agissements qui forment les pires sacrilèges contemporains que l'islam ait connu.

Pour autant, la peur et la colère sont de mauvaises conseillères et il serait plus sage que nos représentants nationaux gardent à l'esprit que la meilleure réponse à la violence organisée demeure la prévention dissuasive. Les mesures publicitaires destinées à rassurer une opinion publique anxieuse ne feront qu'alimenter une spirale dans laquelle la violence arbitraire de lois susceptibles de frapper tout un chacun ne peut que renforcer le camp des désespérés, des êtres fragiles et manipulables, profils des jeunes qui partent en Syrie.
Par ailleurs, il est scandaleux que les gouvernements qui s'indignent aujourd'hui du développement de groupuscules extrémistes soient les mêmes qui, hier, les ont financés et leur ont fourni des armes pour renverser Assad en Syrie. Double discours, pratique cynique de la politique sur la base d'un même deal : gagner sur tous les tableaux. Piètre erreur car les calculateurs se trompent encore une fois.

Plus que jamais, notre époque nous enseigne une chose : nous vivons bon gré, mal gré, ensemble. Nous souffrons ensemble et, lorsqu'un fléau nous frappe, nous périssons ensemble. La crise écologique, la crise économique, la mondialisation de l'information et des échanges a créé ce nouveau paradigme : ce que tu fais à autrui te touchera également. Appelons cela l'éthique de responsabilité. Une notion qui nous manque cruellement.

Edito publié sur Zaman France