samedi 27 octobre 2018

L'inclusivisme radical




L'inclusivisme radical mène à l'exclusivisme. En dévoyant le sens d'un mot au prétexte d'inclusion sémantique, ses auteurs ne font qu'exclure le sens originel au profit du nouveau sens, l'inclusion du second ne pouvant se faire qu'au prix de l'exclusion des ayants droits sémantiques. La logique égalitariste de l'indifférenciation globale qui préside à l'inclusion radicale mène à l'uniformisation du monde et à la suprématie du désir sur le sens de la vérité.

L'exorcisme




Un fantôme nous hante. Un esprit mort nous habite. L'esprit défunt de l'Occident chrétien. Depuis quatre cent ans, cette silhouette sans âme nous fait face, nous épie du regard, nous masque l'horizon. Nous qui aspirons à nous baigner dans la douce et pénétrante lumière, à nous arrêter un moment dans sa source, à nous y asseoir pour la laisser soigner nos plaies et nous administrer sa divine effluve, allons devoir faire un choix. 

La paix durable a ses conditions et la pureté authentique a ses exigences, nous ne l'ignorons pas. Toutes deux tiennent leurs quartiers très loin de toute forme de compromission, au siège de citadelles perdues et de ce fait rendues comme inaccessibles. Ces deux vierges ne se réservent qu'aux élus de leurs coeurs et ne dévoilent leur visage que le soir de leurs noces. 


Il est illusoire d'espérer voir la clarté de leur peau et de sentir la douceur de leur parfum du fond des marécages brumeux où la décadence occidentale nous a mené. Il est pareillement inutile de rechercher les effets de la lumière au coeur de la Nuit, et tout aussi vain de croire atteindre la sainte terre là où elle ne se trouve pas, là où on ne la cherche plus. 

Tout le destin des derniers croyants d'Occident se trouve là : l'extinction du Moi ou l'extinction de la foi laissera place aux légions divines ou aux hordes sataniques. Conserver le feu sacré ; l'alimenter ; le préserver ; le transmettre : nous connaissons l'importance de notre mission. Et nous savons qu'aucun esprit malin ne pourra nous barrer le passage.



samedi 6 octobre 2018

Aucune vérité ne sert la tyrannie




La vérité ne se réduit pas à son contenu propre mais son expression et son usage doivent toujours être envisagés du point de vue du principe qui la fonde (Dieu, Al Haqq) et des finalités que ce principe autorise (apaisement, équité, harmonie, fidélité). Aucune vérité ne peut voir sa proposition être détournée au service d'une tyrannie ou de l'ordre qu'elle incarne ce qui constituerait pour elle un dévoiement manifeste, un crime de complicité. 


La seule vérité qui vaille contre le tyran est la vérité principielle, celle à même de démolir les fondements de sa tyrannie, et non une quelconque proposition secondaire fusse-t-elle vraie. Dans chaque affirmation véridique, dans chaque proposition vraie est simultanément affirmée et invoquée la présence de Dieu. Dieu est la Vérité et la vérité vient de Dieu. Le Droit est vérité et la Vérité est un droit. La vérité est cette lumière libératrice selon la fameuse formulation évangélique qui nous émancipe de la tyrannie du faux, du mensonge, de l'erreur. 


Le politique ne peut régner que par la peur, la ruse ou la sévérité impartiale. Il n'y a pas d'alternative. La séduction est une tromperie, la corruption est une trahison. Quant à la responsabilité, elle ne peut s'atteindre que par l'exigence de vérité.




samedi 29 septembre 2018

Un vœu sacrilège



Quoi de plus étonnant que ces croyants hautement décidés à se rapprocher de Dieu mais sans jamais prendre le soin de s'élever vers Lui par la droiture et l'ascèse spirituelle qu'une telle élévation requière. Estimant pouvoir en faire l'économie, ces croyants des derniers temps ambitionnent naïvement de convier le Très-Haut, par la disgrâce sacrilège d'une descente immanente vers leur médiocrité quotidienne, à les rejoindre et à les accompagner dans la chute dérisoire de leurs considérations les plus superficielles. Un vœu pieux qui de la piété n'a que le nom et du vouloir, l'apparence.



mardi 8 mai 2018

Le prix de nos erreurs





Ce que les deux derniers siècles nous ont appris, à nous autres Hommes du troisième millénaire, aucun autre n'aurait pu nous l'enseigner. Nos contemporains, rivalisant de folie et d'insouciance, déterminés à déployer avec tant de résolution toute l'inertie funeste cumulée par les précédentes décennies, ne peuvent plus le nier. Nous sommes des êtres de nature et notre tendance à nous élever par la culture n'aura été que la forme la plus superficielle de cette même nature, d'aucuns diraient la plus élevée. La mise en confrontation exprimée sur le modèle dualiste entre nature et culture a trouvé son apogée dans l'ère technologique et l'avènement de l'âge de fer. Un âge obscur qui n'a eu de cesse de provoquer la rupture des relations humaines, sous sa forme la plus violemment sournoise, celle de la déliquescence des rapports sociaux réels. Bien au-delà de ce que l'Homme pouvait imaginer, cet âge a entraîné la destruction programmée de toute forme de vie à travers la disparition des éco-systèmes et la dégradation de la biosphère, toutes tendances portées et mises en œuvre par une logique nihiliste et mortifère de prédation marchande. C'est donc au contact froid de cette déshumanisation subitement accélérée de nos sociétés que nous avons dû reconsidérer, hélas bien trop tardivement, notre jugement : nous ne sommes que des êtres de nature, des êtres de vie. 
"Cygnes se refétant en éléphants", Salvador Dali.

Nous ne sommes que des Hommes et nous ne sommes pas autre chose que des Hommes. Et qu'est-ce qu'un Homme ? Nous ne saurions le dire car c'est bien assez de le savoir. Sans doute faut-il l'avoir été soi-même pour le comprendre, puisque de ce savoir ineffable aucun mot ne pourrait témoigner. Notre époque qui se targue de savoir tant de choses quantitativement, et de n'en connaître aucune profondément, nous égara si loin sur les sentiers de la perdition qu'aucun retour ne nous paraît plus envisageable. Au soir de notre existence, dans le reflet lunaire de notre conscience liquidée, liquéfiée, notre dernier visage s'est révélé. Un sursaut, une seule petite étincelle, une vive sensation de douleur. Un déchirement. Le mal-être de l'époque, qui buta brutalement contre le marbre de sa pierre tombale, n'eut pas même le temps de lire l'inscription fatale, d'en déchiffrer l'information, d'en découvrir la date fatidique. C'est ainsi. Qu'on nous accorde tout de même le droit de formuler une dernière requête. Une prière ultime. Peut-être saurons nous finir ce que nous n'avons pas su accomplir, en tâchant de célébrer dignement les derniers instants de grâce reçus en cette terre.

jeudi 18 janvier 2018

Les limites de la laïcité égalitaire





La laïcité est un régime politique égalitaire en droit ! Cette affirmation, fondatrice de la légitimité laïque, est déclamée de manière récurrente. Mais correspond-elle à une réalité ou relève-t-elle de l’idée reçue ? Voici une analyse critique de la notion de laïcité qui resitue philosophiquement les contours de sa définition et les limites de son application.

Pour évaluer la neutralité religieuse et philosophique de la laïcité française, il faut au préalable se demander si elle se trouve à équidistance de toutes les options religieuses ou philosophiques. La laïcité prétend transcender tous les clivages et toutes les orientations religieuses. Ce faisant, elle endosse déjà préalablement, inconsciemment ou consciemment, le rôle d’une transcendance de substitution mais une transcendance de nature immanente, ce qui en souligne déjà l’imposture sur le fond et l’illégitimité sur la forme. La prétention laïque à représenter le seul véritable système de gestion égalitaire des opinions religieuses ou areligieuses en garantissant à tous le respect de la liberté de conscience, prétention déclinée et déclamée sur le mode de l’universalisme anthropocentré et du rationalisme humaniste, a, depuis, très logiquement déroulé sa propre défection. La neutralité religieuse ou vide doctrinale, non positionnement doxique définissant la laïcité ne pouvant que favoriser nécessairement une relation de proximité ou d’éloignement avec chacune des options religieuses ou philosophiques disponibles.

La laïcité, régime général de l’impensé agnostique

Ainsi, il est évident que le régime de neutralité religieuse, par son indétermination théologique supposée, se rapproche davantage de l’agnosticisme qui désigne lui-même l’indécision religieuse. En écartant Dieu et toute référence au sacré de son champ désigné, la laïcité favorise l’agnosticisme et l’agnosticisme favorise le plus souvent l’athéisme (c’est au moins le cas de l’insouciance religieuse, la forme agnostique la plus courante). Cette partialité agnostique de la laïcité se retrouve dans les deux conceptions les plus connues de cette notion, quoiqu’à un degré divers. Celle d’une laïcité de neutralité caractérisée par une cohabitation civile des religions et garantie par une impartialité de l’Etat à l’égard du religieux, et celle, historiquement spécifique à la France, d’une laïcité de neutralisation religieuse sur le modèle d’une séparation-rupture jugée positivement comme une forme d’émancipation, à terme définitive, de l’Etat et de la société républicaine avec la référence religieuse, étape venant elle-même consacrer l’aboutissement d’un processus de sécularisation conduisant les sociétés de l’influence religieuse à la tiédeur et l’indifférence religieuse et de celles-ci à la sortie du religieux, y compris par le recours à une extension publique du champ de la neutralisation religieuse défendu par les tenants d’un laïcisme de l’émancipation intégrale. Un modèle laïc qui invalide donc la présupposée impartialité doxique de son ordre et qui, paradoxe de l’histoire, a fait de la laïcité ce qu’elle était censée combattre : un dogme politique. Ajoutons que l’émancipation laïque de la religion reposerait, comme l’a rappelé 1 l’ancien ministre de l’Intérieur et figure notoire du républicanisme Jean-Pierre Chevènement, sur le pari d’un recours exclusif à la rationalité, en droite ligne de l’héritage des Lumières, et sur le présupposé que la raison réunirait les Hommes là où la croyance ou la foi les diviseraient.

Il est donc très clair que la laïcité est conceptuellement un régime général d’agnosticisme aménageant des libertés aux autres options philosophiques et religieuses, en fonction de la proximité ou de l’éloignement de ces options avec ce régime

Les illusions de l’œcuménisme rationaliste

Cette croyance en la vertu œcuménique de la raison, pendant d’un vice naturel de la foi, prêterait à sourire si elle n’était pas si répandu dans les élites sécularisées qui mènent le pas jusque dans les instances religieuses françaises 2. La rationalité n’est pas plus un espace de communion ou de rapprochement que la croyance ou la foi ne le sont de division. La raison ou la foi sont successivement l’un et l’autre, comme un simple regard sur les nombreux conflits d’idées, et la forme même, éminemment belliqueuse, que prennent les débats, suffisent à le souligner. Les écoles philosophiques qui ont la prétention d’être rationnellement fondées sont aussi diverses et opposées les unes les autres que les religions ou sous-divisions religieuses. Par ailleurs, la proximité de religion ou d’idées crée paradoxalement les conditions les plus favorables aux conflits les plus violents, sur le modèle des conflits fratricides, comme Simmel la rigoureusement démontré.

Un peu plus éloigné de la laïcité vient ensuite, après l’agnosticisme et l’athéisme, le déisme dont le contenu doctrinal est un plus défini quoique que largement imprécis dans ses contours et surtout très nettement individuel, option qui a néanmoins largement disparu du paysage des croyances. Les religions révélées ou non révélées constituant de par leur approche collective et communautaire, de par leurs affirmations dogmatiques et leurs théologies, les formes doxiques les plus éloignés de la laïcité, sur le plan philosophique. Il est donc très clair que la laïcité est conceptuellement un régime général d’agnosticisme aménageant des libertés aux autres options philosophiques et religieuses, en fonction de la proximité ou de l’éloignement de ces options avec ce régime. Elle n’est pas, sous ce rapport, fondamentalement différente de régimes politiques d’inspiration religieuse qui aménageraient des libertés ou droits civiques à d’autres options philosophiques ou religieuses, droits et libertés proportionnels, là-aussi, de la proximité ou de l’éloignement des dites options avec le régime général de légitimité doxique en vigueur. S’il y a souvent, sous ce rapport d’analogie statutaire, différence de degré entre ces régimes, il n’existe pas du moins, sous ce rapport précis, de différence de nature.

Equité et tolérance au cœur de l’aggiornamento laïc

Il faut, pour autant, bien reconnaître que sur le plan juridique, ce régime laïc de non-discrimination possède autrement plus de vertus et de tolérance pour les fidèles d’une religion minoritaire que ne pouvait l’être en son temps un régime catholique suprématiste à l’égard des autres religions. En ce sens, ce régime est incontestablement préférable, sur le plan des libertés, à l’Ancien régime. Ceux qui postulent le contraire ne connaissent ni l’une (la laïcité juridique), ni l’autre (le suprématisme catholique).

Si la neutralité religieuse ne peut être égalitaire, elle pourrait être néanmoins équitable en rééquilibrant par des mesures diverses, l’inégalité réelle de son positionnement originel vis à vis des diverses options religieuses et philosophiques

Ceci étant dit, les régimes de droit et les concepts changent et se transforment sous le poids de l’Histoire. Le laïcisme qui se trouvait en germe dans la genèse laïque française, a resurgi ces dernières années à la défaveur d’un contexte politique (le « danger » islamiste et la sharia brandie comme un épouvantail par le populisme, le voile érigé en symbole détourné de la soumission de la femme par le féminisme, la menace démographique d’un « grand remplacement » opéré par l’immigration) et géopolitique (guerres, terrorisme, crises des réfugiés, mondialisation capitaliste, fragilisation des identités), contexte instrumentalisé par des groupes idéologiques et politiques hostiles à l’épanouissement de nouvelles communautés religieuses en France. L’objectif du laïcisme étant, conformément à son ancrage idéologique antireligieux et anticlérical, de réduire à peau de chagrin la présence, la visibilité et l’expression de la religion personnelle ou institutionnelle. Si la neutralité religieuse ne peut être égalitaire, elle pourrait être néanmoins équitable en rééquilibrant par des mesures diverses, l’inégalité réelle de son positionnement originel vis à vis des diverses options religieuses et philosophiques.

Cette politique se traduirait très paradoxalement par la garantie réelle d’une liberté religieuse publique, y compris au sein des espaces institutionnels, liberté religieuse non conflictuelle ou coercitive mais liberté néanmoins bien réelle, servie par des mesures d’aménagements pragmatiques et équitables, définie par une législation et promue par une culture de la tolérance, du dialogue et de l’entre connaissance réciproque qui est l’élément véritablement manquant dans le dispositif des régimes occidentaux qui en font la promotion. Sans culture de la tolérance, les tensions sociales générées par le multiculturalisme mondialisé seront difficiles à désamorcer. Cette culture est le véritable élément susceptible de garantir une diversité religieuse dans une société apaisée car il n’existe, comme nous l’avons vu, aucune solution théorique proprement égalitaire. Une politique d’équité religieuse destinée à atténuer les effets inégalitaires résultant de la proximité et donc de la partialité de la laïcité vis à vis de l’agnosticisme suppose au préalable la prise de conscience et la reconnaissance de cette proximité et, partant, la diffusion active de cette indispensable culture de la tolérance sans lesquelles chaque mesure de rééquilibrage allumerait elle-même un nouveau feu de contestation et nourrirait un conflit d’opinion religieuse qui ne pourrait que fracturer davantage la société.

Fouad Bahri

Notes

1- « La laïcité est plus qu’un simple respect de la liberté religieuse. Elle a une dimension, historique et culturelle, émancipatrice. Elle fait le pari qu’il y a un espace commun de rationalité à tous les citoyens. Ceux-ci peuvent, à la lumière de la raison naturelle, s’entendre sur une définition de l’intérêt général » Jean-Pierre Chevènement, interview de Valeurs actuelles.

2- Outre M. Chevènement lui-même, qui préside la Fondation de l’islam de France, citons la cooptation de M. Hakim Karoui, nouvelle éminence grise des réseaux laïcs, et de nombreux autres relais institutionnels, universitaires ou politiques.



jeudi 4 janvier 2018

Celui qui voit un mal...


« Que celui qui voit un mal le corrige de sa main ! S'il ne le peut, avec sa langue ! S'il ne le peut, avec son cœur et c'est là le degré le plus faible de la foi. » Hadith

La justice commande nos corps, nos mots, nos coeurs. Elle rédige nos testaments, sélectionne nos assemblées, détermine notre rang. La justice est notre dette, la justice est notre souffle. Son accomplissement nous donne vie, nous arrache à nos pesanteurs morbides, à nos lentes agonies. Par la justice nous vivons, de son absence nous écumons, de son martyr, nous périssons. Dans l'instant crucial, ne lui tourne pas le dos et saisis sa main fortement. Et si tu es trop loin, que l'écho de ta voix réponde à son appel. Et si tu es encore plus éloigné, que ton coeur soit une forteresse contre les impurs. Sans justice, point de dignité. Sans dignité, point d'honneur, et sans honneur, la mort est préférable. Pour voir le mal, il te faudra le regarder. Pour le dénoncer, il te faudra lui parler. Se taire face au mal, c'est lui bâtir un empire dans nos coeurs. Se battre contre le mal, c'est l'en déraciner.