samedi 25 avril 2020

L'hégémonie de la communication


L'hégémonie de la communication est dévastatrice. Beaucoup d'âmes convoitant la lumière se sont abîmées dans une mortifère quête du succès. Toutes les nobles aspirations ont pu servir de prétexte pour nourrir cette sinistre passion : diffuser la bonne parole, le savoir, conseiller les autres, les divertir... En cette période où le silence et l'ascèse sont prescrites, jamais les légions virtuelles de l'opinion n'ont été autant présentes, envahissantes, déferlant chaque jour sur les réseaux sociaux telles des armées d'Attila fondant sur une Cité pour en dévorer l'usufruit, dévastant de leur sourire factice et répété ce qui subsistait en eux d'authenticité, et noyant de leur volubilité les prairies austères de l'être. Le sens exige du silence, la vérité implique le détachement, la sagesse tombe de l'arbre en sa saison, la sincérité se préserve du verbiage. Ces règles sont importantes pour nous tous, et pour les acteurs publics, indispensables. Au risque de sombrer dans la superficialité, l'orgueil, la vanité, la médiocrité, la vénalité, la séduction ou le narcissisme. Privilégions autant que possible les échanges, les discussions, le dialogue sur les monologues, la qualité sur la quantité. Retrouver la valeur sacrée de la parole signifie que nous ne nous autorisons à la prendre qu'au moment où elle s'offre à nous. Si nous respections toutes les conditions d'une parole saine, nous nous serions murés depuis longtemps dans le silence. La parole est un animal sauvage, à l'appétit vorace, à l'agitation débordante. Chaque nouveau succès ne fait qu'entretenir la Bête. L'anonymat est la plus grande liberté et la popularité, un ami fourbe.