lundi 22 août 2022

Une chevauchée diabolique

 


L'air est brûlant. L'ombre est chaude. La fièvre gagne les esprits. Et nul n'est décidé à l'arrêter. Face à la folle insouciance des Hommes de la techné, emportés dans une chevauchée diabolique vers l'exploitation destructrice des ultimes ressources naturelles, se dressent des groupes résiduels formés de tous les héritiers dévoyés des grandes religions, messagers de l'inaction, apôtres de la déresponsabilisation humaine, annonciateurs frénétiques du redressement final qu'ils appellent de leurs vœux et qu'ils anticipent de leurs renoncements. Cette engeance indigne du califat primordial goûtera, le moment venu, à l'amertume de ses abdications inassumées, dissimulées sous les décombres de sa virilité spirituelle, le temps qu'une génération d'Hommes accomplis surgisse des entrailles de nos erreurs et pourfendent nos défaites en les rachetant par leurs succès. Dieu ne saurait être mis en échec.

Pierres fatales

Mes pensées, lourdes et fatales, sont des pierres. Il fut un temps où je m'amusais à les lancer au visage de mes ennemis. Accoutumé à la vue du sang et vite lassé de ces jeux stériles, je me plus bientôt à les faire ricocher à la surface glacée des lacs sauvages de mon esprit pour mieux en épouser les cercles, hypnotiques. Aujourd'hui, je m'efforce de les tailler, les polir, les embellir, les rendre plus hospitalières. Mais trop jaloux de mon bien le plus précieux et non décidé encore à les partager, je me résolus bientôt à les enterrer pour que ces lourdes pensées, ces pierres fatales prennent de l'âge, de la valeur, et que leur sombre éclat cède la place à de belles pierres, pierres précieuses de mes pensées les plus précieuses. A les enfouir loin de moi, dans les entrailles de la sainte terre, asile des disparus, refuge des exilés de ce monde. Ni trop près de la surface, de peur qu'on ne les piétinent, ni trop loin, dans les bas-fonds du centre de la terre, de crainte que plongées dans les océans de feu elles ne se fassent météores et s'emploient à lapider mes héritiers. Et qui donc serait digne de les posséder, si ce n'est celui qui aurait consacré sa vie à les rechercher...