dimanche 29 juin 2014

La part du vrai et la part du faux



La part du faux.
Le but de tout homme sensé depuis que le savoir et la conscience de soi se sont rencontré, a été de s’assurer que sa vie, ses croyances et ses connaissances étaient vraies. Que je sache, aucun être ne s’est jamais fixé comme but de vivre dans le faux, l’erreur et l’illusion, car ces choses n’ont pas d’ipséité. Elles ne sont que pures conjectures. Un être sensé ne peut vivre durablement dans le faux, quant bien même ce dernier lui paraîtrait vrai. La découverte de la source est inévitable car l’ombre se nourrit de la lumière mais la condition humaine n’est pas et ne sera jamais purement sensée. «Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée» (Descartes). J’en doute, car je suis celui qui a su un jour que le bon sens pouvait être subverti.

La part du vrai.
Nul n’a jamais eu le monopole de la vérité. Pour un ensemble de raisons propres à chaque société, nous envisageons et jugeons les choses selon une situation sociale, culturelle, psychologique, religieuse ou philosophique particulière. Nos jugements changent avec le temps, car la connaissance, l’expérience et notre transformation nous mènent à entrevoir de multiples perspectives sur le monde et les hommes. Facteur démultiplicateur, nos jugements prennent une forme quasi systématique lorsque nous nous engageons dans des voies partisanes. Les oeillères idéologiques restreignent notre champ cognitif et moral. Elles ne nous font percevoir du monde, des choses et des hommes, que leur part de vérité ou de fausseté. Les deux étant mêlées chez la plupart des fils de l’homme, nous en sommes très souvent réduits à être borgne car «il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir». La réduction du principe «vrai» ou supposé tel, au défenseur du principe vrai, et l’assimilation inductive de ses propos à la vérité, est courante comme le dénonçait en son temps Al-Ghazali. Et évidemment, le contraire aussi, pour nos adversaires ou nos ennemis, a fortiori pour nos «frères».




Dès lors, le franchissement de cette impasse intellectuelle semble évident : si le prix d’un parti pris est le sacrifice d’un œil, fermé volontairement, alors le recours à un troisième œil, comme le dénomme les traditions hindouistes, bouddhistes et taoïstes, celui du discernement (furqane) pour paraphraser le Coran, s’impose. Quand le troisième œil s’ouvre, pénétrant insensiblement les choses de son regard, tout devient plus clair. Et c’est seulement ainsi qu’il nous sera possible de nous hisser au-delà du vrai, au-delà du faux, au niveau du juste. Et c’est seulement ainsi que nous pourrons déceler la part de vrai et la part de faux que chacun porte en soi.

Article publié sur La Plume

Divisions, divergences ou diversions ?

Voici quelques extraits d'un article de Yamin Makri sur les enjeux réels du débat entre partisans de la vision et du calcul, publié sur Globislam. 



Yamin Makri
Impressionnant ! Impressionnant, le déferlement d’avis que nous entendons et que nous lisons sur cette question de l’annonce du début du Ramadan. On a l’impression de vivre un psychodrame, le Ramadan qui est une bénédiction que Dieu nous offre est dorénavant accueilli par l’angoisse de se trouver dans l’erreur et le stress d’une polémique exacerbée. Le mois de la rupture, du recueillement et de la solidarité en est déjà dénaturé.On polémique sur les 1 ou 2 jours où, parait-il, nous ne jeûnerions pas ensemble. Et on oublie les 28 ou 29 jours où nous serons inshallah tous réunis.
Vivre ensemble dans le respect (pas seulement la tolérance) des divergences et des pratiques différentes est à la fois une bénédiction, une épreuve et des limites que Dieu nous impose. Ceci afin que, tous, nous nous rendions compte que la vérité n’appartient qu’à Lui. Un rappel salutaire pour se rappeler l’humilité.

Et c’est vraiment là, le véritable enseignement à retirer de cette polémique : l’humilité et l’ouverture d’esprit. Car ni l’observation ni la science ne nous protègera de manière radicale de l’erreur.



Arrêtons de croire que l’observation, la perception des choses est quelque chose d’évident, de non négociable. Et arrêtons de croire que la raison, le calcul quand ils sont posés comme principe ne peut obligatoirement que nous réunir et n’aboutir qu’à la vérité. Ne tombons dans aucun de ces deux pièges.

Dieu nous demande en permanence de nous méfier de ce monde d’apparence et du sensible. Il nous demande d’aller au-delà de ce qui est perçu. Nous, les croyants, nous privilégions l’invisible, c’est comme cela que Dieu nous qualifie dans le Coran :
« Ceux qui croient à l’invisible, qui s’acquittent de la salât et qui effectuent des œuvres charitables sur les biens que Nous leur avons accordés. » (Al-Baqara, 2/3)

N’adorons pas non plus notre raison ou le calcul scientifique. Ce ne sont que des opérations humaines avec toutes les passions et toutes les imperfections que nous reconnaissons chez l’humain. Poser le calcul comme principe irrévocable et indiscutable, c’est oublier que ce sont des êtres humains imparfaits et sujets à l’erreur qui calculent



Aujourd’hui, il existe différentes méthodes de calcul de la visibilité de la lune, et chacune avec des critères spécifiques, qui font que, selon telle ou telle méthode, les résultats peuvent différer. L’observatoire national français lui-même adopte plusieurs méthodes de calcul. Ainsi, quoi qu’on en pense le calcul de la visibilité de la lune est tout aussi sujet à interprétation, et donc tout aussi aléatoire, que la vision directe.

Le Ramadan est d’abord le mois du Retour. Il s’agit de revenir et de vivre selon les éléments naturels de la création, visible ou non. Pour cela, jeûner c’est s’imposer des limites, se poser et quand les passions se calment, il devient possible d’écouter son prochain, d’écouter le monde puis de retrouver le chemin de Celui Qui l’a créé.

Le mois du Ramadan vient nous rappeler que nos mois s’établissent selon le cycle de la lune, que les prières s’effectuent selon le cycle solaire, que l’alternance jour-nuit a un sens

Ceux qui voudraient que nous nous basions que sur le calcul pour jeûner ou que sur un calendrier pour prier ne comprennent pas la profondeur et l’enjeu du débat. Il voudrait le réduire en un combat idéologique entre ceux qui seraient « éclairés » par leur raison (les réformistes, les modernistes…) et ceux qui seraient attaché à la littéralité du Texte (les traditionnalistes, les dogmatiques…).

Le débat n’est pas futile, il y a bien un enjeu de valeur qui se pose : la question de la place de la raison, de la compréhension du temps ou du sens donné à la création… Toutes ces questions ont de réelles conséquences dans notre manière d’appréhender les Textes mais aussi nos mondes.



L’un des premiers objectifs de la civilisation de la modernité marchande est celui de la redéfinition du temps. Car celui qui définira la manière de réorganiser le temps sera celui qui définira sa manière de concevoir le réel. Il imposera de fait ses valeurs.

Ce n’est pas par hasard si, dans nos centres commerciaux, il n’existe aucune fenêtre, aucune ouverture vers le ciel qui nous permettrait de prendre en compte l’évolution du cycle solaire. Le supermarché est un lieu ou on cultive l’insouciance du consommateur. Il doit s’oublier car par son achat, il permettra la croissance adorée ; et ce n’est qu’en sortant du supermarché, la nuit tombée, qu’on prendra conscience qu’on vient de laisser passer la prière du maghrib. Le soleil est notre rappel, incompatible avec la folie consumériste

Et ce n’est pas par hasard non plus, si dans nos écoles qui forment les futurs producteurs et dans nos usines qui les encadrent, nous trouvons des sonneries et des horloges à chaque couloir organisant ainsi notre temps à la seconde près. Ce temps-là est comptabilisé, il est capital car il définira la valeur et donc le profit des produits vendus.



Marchandiser ainsi le temps est incompatible avec celui du recueillement et de la méditation, celui du recul nécessaire pour vivre… réellement.

Nous sommes dans la même logique, la même aliénation quand certains justifient (ouvertement ou non) l’annonce du début du ramadan par le calcul dans le seul but de pouvoir mieux organiser le temps de travail, les congés payés, les journées scolaires. L’impératif productiviste de la rentabilité doit primer sur tout. Encore et toujours. Et le culte islamique doit s’y intégrer, doit s’y adapter. Aucune exception ne doit être tolérée…

Le mois du ramadan, ce mois où les diables sont enchainés, ce mois où Dieu rend l’acte de bien facile à réaliser, c’est le mois du retour au temps concret de l’être adorateur connecté à l’invisible pour délaisser celui de l’être marchandisé connecté à sa raison instrumentale.


Article publié sur Globislam

Une porte qui s'ouvre....

Le Journal de Personne

Lorsque Ramadan arrive, les portes du paradis sont ouvertes et celles de l’enfer couvertes… et chaque nuit une voix retentit :
Toi qui recherche le bien, profites-en et toi qui recherche le mal, abstiens-t-en », je cite le prophète, celui sur lequel Dieu a répandu sa grâce et sa paix.
Ramadan est voilé, il porte un voile… celui du paradis que le créateur a dessiné dans le cœur de chaque créature pour qu’elle puisse sentir la présence de Dieu.
Celui qui jeûne n’a ni faim, ni soif… ou plutôt il a faim et soif de transport… de transcendance… de sens.
Il éteint le feu de la nature et rallume le feu de l’esprit. Puis se met à contempler la nature qui meurt de soif au pied de l’esprit qui donne à boire. Pas l’eau qui rafraîchit mais l’air de l’infini. Et la souffrance intérieure se transforme peu à peu en joie supérieure. Celle de l’au-delà
La voici… la voilà… au-delà de moi… il y a l’autre… qui meurt de faim et de soif… et que seule ma Foi peut nourrir.







Article publié sur Le Journal de Personne

samedi 28 juin 2014

Le CFCM rattrapé par son passé


L'annonce du début du mois de Ramadan est encore une fois marquée par des incertitudes quant au choix de la méthode qui la définira. Perdu dans des annonces contradictoires entre calcul astronomique et observation oculaire, le CFCM semble de plus en plus discrédité aux yeux des musulmans de France.

Quelle décision prendra le CFCM à l'approche du moment fatidique tant attendu, à savoir l'annonce du début de ramadan 2014 ? Dans deux communiqués publiés les 30 mai et 18 juin, l'institution officielle du culte musulman a annoncé qu'une réunion officielle serait reconduite le vendredi 27 juin à 18 h.

Le CFCM a précisé qu'il sera tenu compte de l'observation de la lune et de l'avis des différents pays musulmans dans le choix de la date. L'UOIF et le CCMTF, qui font partie du CFCM, ont déjà annoncé le début de ramadan pour le samedi 28 juin. Les deux institutions s'appuient sur la méthode du calcul astronomique dans sa version pure, celle qui tient compte de la précocité visuelle et du principe de transposition, à savoir le premier lieu sur Terre où la nouvelle lune sera observable.

L'arbitrage de l'Arabie saoudite

L'UOIF et le CCMTF considèrent par ailleurs que la décision du 9 mai 2013, en référence au colloque organisé sur le calcul qui s'est terminé par une décision unanime de toutes les composantes du CFCM sur le choix de cette méthode pour les musulmans de France, fait office de règle et qu'elle doit être appliquée.

Sauf que l'an dernier, le même CFCM a reculé en annonçant deux dates successives, la première s'appuyant sur le calcul et seulement le calcul, l'autre sur la vision mais dans les faits, sur l'annonce de l'Arabie saoudite qui fait encore et toujours office d'autorité internationale en matière d'islam. La cacophonie qui a suivi a été très mal vécue par les fidèles.

Cette année, l'institution a donc choisi de ne prendre aucun risque et de s'aligner sur la majorité des pays musulmans, Riyad en tête. Pour le moment, car le feuilleton ne fait que commencer.



Le péché originel du CFCM

Ainsi, le festival d'annonces successives sur fond de messages unitaires aussi risibles qu'utopiques dans les circonstances actuelles, a considérablement endommagé le peu d'autorité conservé par l'institution. A qui la faute ? En réalité, à personne. Depuis sa création, le CFCM n'a fait que récolter les fruits des circonstances particulières qui ont présidé à sa naissance, qu'il ne doit qu'à l'intervention du ministère de l'Intérieur qui est aussi celui des Cultes.

Pour une raison simple : personne d'autre n'était capable de réunir et mettre d'accord autant de composantes de l'islam, en proie aux luttes intestines idéologiques ou consulaires pour la main-mise du fauteuil institutionnel, alors mêmes que d'autres sensibilités (salafistes, libéraux, islamistes de gauche...) étaient tout simplement écartées ou cooptées à titre individuel.

Le péché originel de la fondation du CFCM n'a eu de cesse de le poursuivre toutes ces années : il n'a pas été conçu des entrailles de la base musulmane mais est tombé du ciel orageux des diplomaties maghrébines et de leur cortège de nuées sombres.

Un électrochoc salutaire

Délégitimé et conspué pour son patte-de-blanchisme de principe à l'égard de l'Etat, égratigné par la masse des fidèles, pour l'absence de qualification religieuse de ses membres, pour la tutelle étrangère des cadres religieux qu'il entretient sur le territoire français, le CFCM traverse l'une des crises les plus importantes de son histoire qui est elle-même le récit de crises successives. Son atermoiement de l'an passé a été une faute majeure et a été perçu comme une faiblesse et un manque d'autorité et de cohérence.

Pour autant, il était difficile à l'institution d'imposer par la force une décision incomprise et rejetée par une grande partie des fidèles et des mosquées de rite malékite ou de la mouvance salafiste. Le CFCM a découvert qu'avoir raison n'est pas toujours suffisant et que l'autorité se déclame moins qu'elle ne s'impose naturellement. Au point où en sont les choses, il n'est pas certain qu'un nouveau fiasco ne soit pas le meilleur des scénarios pour l'institution.

En effet, seul un électrochoc social peut encore ranimer ce corps moribond et obliger ses membres à trouver un nouvel accord négocié qui soit acceptable pour les musulmans. Le Prophète ne promettait-il pas un château au Paradis à celui des musulmans qui renonçerait à une polémique même s'il a raison !



Pas seulement un débat théorique

D'ailleurs, la majorité des acteurs engagés dans cette discussion polémique entre partisans de l'observation oculaire ou calcul astronomique intégral ont perdu de vue que l'essentiel aujourd'hui pour bon nombre de fidèles n'est plus là. L'intensité de la polémique actuelle est devenu un risque de conflits et de haines réciproques car il ne s'agit pas seulement d'un débat théorique.

Dans les faits, toutes les parties ont eu raison dans leur choix et tort dans leur comportement. L'annonce précoce de la date en dehors du cadre de l'institution est une faute pour ses membres, d'autant plus incompréhensible qu'ils se sont largement investis pour la maintenir en place.

La polarisation entre partisans du calcul et de l'observation, une autre gageure dans la mesure où aucune observation n'est possible sans calcul et aucun calcul solide possible sans prendre en compte des paramètres empiriques.

Une solution consensuelle existe

Il y a plusieurs approches du calcul et plusieurs approches de l'observation. Les propositions de l'astrophysicien Bruno (Abdel Haqq) Guiderdoni, de l'Observatoire de Lyon et proche du recteur de la Grande Mosquée de Lyon Kamel Kabtane, qui combinent une approche calculatoire non radicale - au sens où elle excluerait toute latitude observatoire aux autres approches - est une option intéressante sur laquelle les partisans du calcul devraient se pencher!



Cette approche combinerait les avantages des deux méthodes en les synthétisant. Le commencement du Ramadan pourrait être anticipé par le calcul, et la prévision du ou des points de vision de la nouvelle lune permettrait de décréter consensuellement, en fonction de l'importance de l'extension des aires géographiques concernées, la date la plus ouverte et la plus probable.

La solution de ce noeud gordien se trouverait donc plus du côté de la disposition psychologique et morale des acteurs de l'islam de France que dans le cerveau d'un scientifique !

Article publié sur Zaman France

jeudi 19 juin 2014

FN : la guerre des rappeurs a bien eu lieu



Pour certains journalistes, les rappeurs de cette décennie seraient globalement dépolitisés et la question du Front national ne les heurteraient plus. Une affirmation rapide au vu des derniers développements du rap porté par des artistes comme Médine, Youssoupha et un certain Edel Hardiess.

Dans un article publié mercredi 18 juin, Le Monde.fr titrait
«Le Front national ne fait plus réagir les rappeurs». Signé Stéphanie Binet, celui-ci justifie son titre par ces remarques : «Les groupes de rap des années 2010 n'ont pas la fibre politique de leurs aînés qui pourfendaient dans les années 1990 le «Bleu Blanc Rouge», enregistraient des titres collectifs contre le racisme, ou se mobilisaient entre les deux tours des élections présidentielles en 2002». Pourtant, cette affirmation pour partiellement exacte qu'elle soit, ne l'est plus lorsqu'on embrasse le monde du rap français dans son intégralité. Le FN, ses thèmes de campagnes et la galaxie de militants et de groupuscules qui gravitent autour font bien partie des thèmes de réflexion de certains rappeurs et ces préoccupations se retrouvent dans leurs textes.
 

La Ligue des rappeurs 
 
Citons le dernier album de Médine, Protest song, dans lequel des morceaux comme 
«Blokkk Identitaire», en duo avec Youssoupha, abordent le thème de la violence des tensions identitaires entre militants sionistes, adeptes des black panthers et néo-nazis. 


Usant de scènes choquantes d'agressions racistes, ce clip inscrit bien le thème de la violence identitaire comme sujet de préoccupation brûlant de la planète rap, thème qui est au cœur du vote FN. Le rappeur s'était déjà, à ce propos, fait remarquer des frontistes comme l'illustre cet article d'une section du Front national. 



D'ailleurs, le même rappeur Médine vient de sortir un titre intitulé «MC Soraal», jeu de mots entre l'artiste MC Solaar et le polémiste sulfureux Alain Soral, issu du Front national et très influent chez une partie des jeunes fans de Dieudonné.

Sans doute une manière de laisser entendre que le polémiste s'est auto-attribué le rôle de porte-parole des jeunes de banlieues, à l'instar d'un rappeur.
 

C'est dire, donc, que le Front national fait bien parler et chanter les rappeurs. Un nouveau groupe, La Ligue, incluant Youssoupha, Kerry James, un habitué du rap politique, et Médine, est déjà annoncé pour 2015.

Un rappeur pro-FN ?

Mais d'autres rappeurs ont pris un tout autre chemin à propos du Front national. Un artiste nommé Edel Hardiess a ainsi affiché sa relative proximité avec le parti de Jean-Marie Le Pen. Son album annonce bien la couleur : Le chant des partisans, avec un drapeau français en couverture, et un titre phare «Résistant», autant de symboles du nationalisme français qui sont loin d'être indifférents pour l'électorat de Marine Le Pen. 



Hardiess déclare dans une interview donnée à nos confrères du Courrier de l'Atlas, être moins éloigné des valeurs du FN que de celles du PS ou de l'UMP. Il ajoute qu'il ne s'agit pas d'une relation d'adhésion mais plutôt de favoriser le départ politique des formations de droite et gauche du gouvernement. «Je préfère un ennemi déclaré qu'un traître», a confié le chanteur. Mais sur d'autres sujets comme le mariage pour tous, l'intervention en Libye et au Mali, le cas Snowden, il précise qu'il est tout à fait en phase avec le FN. Une position qui peut paraître surprenante, tant des thèmes comme l'islam ou l'immigration sont les cibles préférées du parti d'extrême-droite. 

L'effet Soral

Faut-il y voir un effet Soral ? Sans aucun doute. L'écrivain français qui a lançé le site Egalité et Réconciliation, très fréquenté, fait régulièrement la promotion de chanteurs et de rappeurs pro-Dieudonné et accessoirement, soraliens sympathisants. 



Citons Kimto Vasquez, Morsay, et même Kerry James que Soral juge proche de sa ligne de rapprochement entre «Français de souche» et jeunes des quartiers populaires, même s'il n'est pas sûr que l'artiste soit d'accord avec ce rapprochement. On l'aura donc compris, loin d'être absent des textes ou des univers politiques des rappeurs, le FN, par divers biais, plane encore sur l'esprit des rappeurs français.









Article publié sur Zaman France

samedi 14 juin 2014

Vérité(s) de l'union

 

Les hommes d'aujourd'hui n'accordent que peu de valeur à la vérité car ils ne l'a désirent que pour eux seuls. Plongée dans le flux incessant du devenir, la vérité ne se manifeste qu'au terme d'une relation, d'une interaction, d'un rapport synchronique entre les sens supérieurs de l'homme (cœur, raison, esprit) et la Réalité polymorphe des mondes multiples. C'est l'un des dommages les plus méconnus de l'individualisme que de nous avoir privé de la possibilité de saisir ensemble le vrai. De ce moment sacré où une simple écoute, une discrète observation devenait subitement contemplation. La cruche se remplit, mais le récipient tremble de ne pouvoir contenir l'Idée. Alors plus qu'une seule préoccupation : servir vite la divine liqueur et l'offrir avant que la prochaine pluie ne se déverse. Mais qui boira à notre coupe ? Où sont les hôtes ? Et qui étanchera notre propre soif de vérité ? Cette relation qui aiguille l'homme d'abord personnellement, le met bientôt en demeure de s'expatrier vers d'autres cieux, et d'entrer en dialogue avec autrui. Ici, pas de dispute, pas de discussion. Si mon interlocuteur perçoit le premier le vrai communément recherché, alors nous avons tous deux triomphé. Il n'y a pas de défaite dans une quête sincère du vrai, il n'y a que des vainqueurs. L'ambition et le pouvoir, honnis profanateurs, y sont interdits. Là se trouvent les bienheureux car ils ont vu ensemble et partagé un moment de vérité. Pendant un bref moment, des hommes simples ont goûté le privilège de communier dans la Lumière de Celui qui n'est autre que la Vérité...






 














La beauté s'apprécie dans la distance. La laideur se découvre dans la proximité. C'est peut-être la raison pour laquelle l'intimité amoureuse a pris, dans la tradition religieuse, la forme du mariage comme seul cadre légitime dans lequel l'union pouvait subsister. Car qu'est-ce que l'union sinon le lien réciproque ? Et qu'est-ce que l'amour, sinon le commun attachement ? L'engagement, le consentement : les sociétés traditionnelles ont eu cette sagesse de considérer que le fondement le plus solide de l'amour n'était pas le sentiment, inconstant, mais d'autres principes tels que la crainte de Dieu ou l'honneur, plus pérennes.

lundi 9 juin 2014

Dans l'intimité de Platon

Platon le philosophe. Platon, le dramaturge. Platon le soldat, le citoyen, l'Athénien. Mais d'abord Platon, l'homme. Qui est-il ? Il est peu d'oeuvre aussi connu que celle de celui qui est tenu comme le fondateur de la philosophie occidentale. Mais curieusement, la vie du plus célèbre des Grecs l'est beaucoup moins. La colline vous propose donc une petite odyssée dans l'intimité de l'homme, histoire de faire connaissance avec le père de la pensée philosophique. 

Platon est né à Athènes en 428/427 av. J.-C, deux ans après la mort de Périclès (en -429), lors de la guerre du Péloponnèse (de 431 à 404)p. 1. La date exacte demeure cependant incertaine. Platon venait d'une famille aristocratique. 


«Comment ne rougis-tu pas de mettre tes soins à amasser le plus d'argent possible et à rechercher la réputation et les honneurs, tandis que de ta raison, de la vérité, de ton âme qu'il faudrait perfectionner sans cesse, tu ne daignes pas en prendre aucun soin ni souci ?», Apologie de Socrate. 


Platon avait deux frères : Adimante et Glaucon, interlocuteurs de Socrate dans La République et sans doute plus âgés que lui, ainsi qu'une sœur, Pôtonê (mère de Speusippe, successeur de Platon à la tête de l’Académie). 

Selon les usages des grandes familles grecques, Platon aurait du recevoir le nom de son grand-père Aristoclès. «Platon» (Πλάτων) pourrait n’être qu’un surnom. 


«C'est la vraie marque d'un philosophe que le sentiment d'étonnement», Théétète.


Les maîtres de Platon furent Denis, maître d’école, grammairien, professeur de lettres. Son maître de gymnastique fut le lutteur argien Ariston d'Argos, qui l'aurait surnommé Platon en raison de sa constitution robuste, (πλάτος : «platos» signifie «largeur»). Platon aurait par ailleurs participé aux Jeux isthmiques en tant que lutteur. Epictète le décrit comme beau et fort.



Politiquement, Platon était en relation étroite avec le parti oligarchique qu'il détestait par ailleurs. Il était le neveu de Charmide, et, d'après les auteurs anciens, le petit-neveu de Critias, tous deux du Conseil des Trente Tyrans, régime oligarchique imposé par Sparte pendant neuf mois, à partir de -403, à la fin de la guerre du Péloponnèse. Tout au long de son œuvre, Platon a dénoncé les excès de l'oligarchie, où les riches dominent les pauvres, et ceux de la démocratie, où les pauvres tentent de dominer les riches. 


«L'excès de liberté ne peut tourner qu'en excès de servitude pour un particulier aussi bien que pour un état». La République.  


Il abandonna de bonne heure la vie politique, carrière par excellence de l’homme libre à Athènes, dégoûté par les excès et les fureurs des partis. 

En -403, la démocratie fut rétablie à Athènes par Thrasybule et Anytos, l'un des accusateurs de Socrate quatre années plus tard.





Platon devint le disciple de Socrate durant neuf ans, de -408 à -399, jusqu'à la condamnation à mort du philosophe. À la suite de cette rencontre, Platon abandonna l'idée de concourir pour la tragédie grecque et brûla toutes ses œuvres. Il commença ses dialogues durant le vivant de Socrate : Hippias mineur, Ion, etc. «Socrate, qui venait d'entendre Platon donner lecture du Lysis, s'écria : Par Héraclès, que de faussetés dit sur moi ce jeune homme !».  

«Le corps est le tombeau de l'âme». Cratyle.

Platon fit son premier voyage politique en Sicile en -387, et Denys, qui s'intéressait à la philosophie, le reçut à la cour de Syracuse. Il gagna à la philosophie Dion de Syracuse, beau-frère de Denys, mais son penchant moralisateur ne tarda pas à déplaire au maître souverain. Embarqué de force sur un bateau spartiate, il fut probablement capturé et vendu comme esclave sur l'île d'Égine, alors en guerre contre Athènes. Il fut néanmoins affranchi par Annicéris de Cyrène, philosophe cyrénaïque, qui l'aurait reconnu, acheté «pour vingt mines d'argent», puis libéré.

Après l'échec politique à Syracuse, Platon fonda, en -387, à Athènes, une école, nommée «l'Académie», selon le modèle des pythagoriciens. Il y enseigna pendant quarante ans. Sur le fronton de l'Académie était gravée, selon la légende, la devise «Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre». On y poursuivait des recherches scientifiques ; l'enseignement des sciences exactes y préparait à l'étude de la philosophie  



«Parmi vous, ô humains, celui-ci est le plus savant qui, à l’instar de Socrate, a reconnu qu’en matière de science, il ne vaut rien en vérité». Apologie de Socrate. 

Vers -370, Platon traversa une longue crise intellectuelle, durant laquelle il s'interrogeait sur sa théorie des Idées. Il prit conscience de la difficulté d'association non symétrique des Idées avec les choses sensibles, ainsi que de l'association (σύμμιξις / súmmixis) des Idées entre elles, de même que la communion (κοινωνία / koinônía) entre les Idées et le Bien. 


«La plupart des hommes au pouvoir deviennent des méchants». Protagoras.


Au début de -367, Platon retourne en Sicile, et, à la mort de Denys I, en -367, Dion de Syracuse lui demande d'éduquer son beau-frère Denys II, fils de Denys l'Ancien, à la philosophie. Platon pensait créer en Sicile une cité qui serait gouvernée selon ses principes philosophiques : il a terminé La République en -372, persuadé que si les philosophes ne deviennent pas rois ou si « les rois ne deviennent pas philosophes (…) il n'y aura pas de trêve aux maux dont souffrent les États ». Mais Denys II bannit Dion, soupçonné de comploter, et Platon est détenu un an dans la citadelle d'Ortygiep.


«D'abord, si tu veux que je te fasse voir la vertu d'un homme, il est facile de répondre que la vertu d'un homme consiste à être capable d'agir dans les affaires de sa cité et, grâce à cette activité, de faire du bien à ses amis, du mal à ses ennemis, tout en se préservant soi-même de rien subir de mal». Ménon 


Platon meurt à Athènes en -347 ou -346, « au cours d'un repas de noce». Il aurait eu 81 ans.


«L'amour apporte la paix aux hommes, le calme à la mer, un lit et le sommeil à la douleur». Le Banquet


jeudi 5 juin 2014

Terrorisme : ne cédons pas à l'amalgame













La dernière affaire de la tuerie de touristes israéliens en Belgique a relancé le dossier brûlant des filières de combattants djihadistes en Syrie. L'arrestation et l'interrogatoire de Mehdi Nemmouche, un Français arrêté en possession d'armes et soupçonné d'être l'auteur de la fusillade, a également ravivé la crainte des musulmans de France d'être amalgamé à cet acte criminel et plus généralement à l'extrémisme religieux. Chaque fois, les mêmes inquiétudes resurgissent. Un attentat ou un acte terroriste est commis : l'identité de l'auteur est découverte et présentée par la presse comme musulmane, souvent d'origine maghrébine, et c'est alors que le maëlstrom médiatique se lance. L'évènement suscite naturellement la peine, la colère et la condamnation pleine et entière de tous les Français, musulmans compris, mais la focalisation sur la dimension religieuse de l'acte prend le dessus. Certains somment leurs compatriotes de marquer leur condamnation, ce qu'ils font déjà officiellement par le biais des institutions musulmanes et plus anonymement dans le cadre de leur vie quotidienne, voire même de se «désolidariser» pour reprendre les termes du philosophe Michel Onfray, comme si solidarité il y avait. Mais cela ne suffit pas, ne suffit plus. La création d'un climat de défiance générale, de haine, d'amertume et de peur, est bien là. Comment désamorcer ce processus infernal et répétitif ? Tout d'abord, par une meilleure compréhension du phénomène. Ce que l'on sait pour l'instant permet de dresser un profil type de l'activiste de cette forme d'islam radical. Il s'agit d'invidus isolés, ayant un passé de délinquance et qui sont passés par la case prison. Dans le cas de Nemmouche, cinq ans d'incarcération. Psychologiquement en rupture avec la société, marginalisé socialement et économiquement, le ressentiment psychologique de Nemmouche a trouvé en prison un terreau idéal pour s'exprimer. L'influence d'autres prisonniers, qui ont trouvé dans le radicalisme militaro-religieux la voie royale de leur rédemption personnelle, une manière de se renarcissiser et d'atteindre le statut de martyr, équivalent islamique de la figure du héros grec, a fait le reste. Mais en sortant de prison, Nemmouche n'a pas aussitôt frappé la Belgique. Il s'est entraîné et a servi sous la férule de mouvements armés radicaux en Syrie. On ignore pour l'instant ce qui s'y est passé et ce qui l'a poussé, si les faits sont reconnus, a commettre l'irréparable, mais l'explication du mystère Nemmouche s'y trouve assurément. Il s'agirait donc de l'acte d'un individu seul, en rupture social et psychologique, en proie à la violence de la délinquance urbaine, incarcéré et orienté dans le huis clos carcéral, puis relâché sans surveillance et sans suivi. Des facteurs qui sont donc à des années lumière de la réalité des Français de confession musulmane. Le comprendre c'est aussi réussir à briser les murs que la peur terroriste peut susciter en nous.

Publié sur Zaman France