samedi 6 juillet 2019

Nous ne sommes pas de ce monde



Notre passé se confond avec l'Origine. Notre avenir plonge dans l'éternité. Le présent ? Simple intervalle sur la route qui nous mène vers l'Absolue singularité. Nous ne sommes pas de ce monde. Cette époque nous ignore. Elle refuse de nous voir. Nous ne sommes qu'une illusion persistante, un mauvais rêve. Peuple de la Nuit que dans son sommeil elle tolère. 


Nous ne sommes pas de ce monde. Nous sommes d'ailleurs. Enfants d'un pays oublié, fils d'un père banni, nous nous traînons péniblement à la recherche de nos semblables. Un temps seulement. Las de ne rien trouver, nous marchons seuls. Où sont les nôtres ? Nous ne les reconnaissons plus. Leur visage ne nous est plus familier. Le son de leur voix, éloignée, nous est inaudible. Nous ne nous reconnaissons plus nous-mêmes. La route a été longue et l'adversité a tracé ses sillons sur nos visages. Nos âmes, balafrées, ne supportent plus le regard des autres. Nos cœurs, inquiets, hantent la pénombre des secrets pour ne pas succomber. 


Bien que la mélancolie nous accompagnent et que nos pas soient pesant, nous marchons pourtant, solennellement, à la rencontre de nous-mêmes. A la recherche d'un "nous" qui soit autre chose qu'un "moi". En quête de Soi, nous espérons car l'espoir est notre horizon. Et à force de courage et d'abnégation, et dans le reflet d'une sauvage méditation, nous entrevoyons, sur cette Terre dévastée, un chemin de salut. 


Il est une route pour les Hommes de paix, les déshérités, les âmes dévastées. Et bien souvent, c'est au bord de l'abîme que nous apercevons cette route, la seule qui mène quelque part. La route du Ciel qu'on ne peut emprunter qu'en étant délesté de toute vanité, et au prix d'une initiation douloureuse, sans cesse renouvelée. Une route oubliée où nous retrouverons notre identité, déterrée par la douce fraîcheur d'une brise matinale, à l'aube d'un Nouveau jour, dans le regard de l'Autre, dans le visage des nôtres.