L'âme ou l'ego nous voile l'accès à la connaissance réelle en nous
déformant positivement ce que nous sommes et négativement ce que
sont les autres, cette disposition naturelle étant destinée à nous
protéger du spectacle de la laideur de notre âme et du
désarroi qu'entraînerait cette découverte. Raison pour
laquelle Dieu a associé l'accès à une connaissance authentique et
immédiate du réel au travail spirituel sur soi et à la
purification de l'âme pour que la vision dégagée des choses ainsi
obtenue soit corrélée à la beauté de l'être.
dimanche 29 décembre 2019
Le système ne peut percer le Réel
Nous
avons crée des concepts, des méthodes et des systèmes de pensées
censés nous garantir un meilleur accès au réel et à la
connaissance. Mais pris au piège de nos propres créations nous
avons fini par considérer que n'était réel que ce qui rentrait
dans le moule de nos outils conceptuels. Au point où nous avons
déformé la compréhension de cette même réalité en la réduisant
au formalisme mathématique de notre logique et par cette déformation
avons détourné notre conscience de sa contemplation. Nos systèmes
par les limites même de leur formalisme étaient incapables de nous
dire quoi que ce soit de profond et de sensé sur une réalité qui
ne cessait de nous échapper à mesure que nous tentions de la
définir et qui nous englobe invinciblement de son mystère.
dimanche 8 décembre 2019
L'erreur des philosophes
Les
philosophes (Spinoza, Nietzsche) qui ont nié la possibilité d'une
liberté, fusse-t-elle relative, attribuant cette croyance à
l'ignorance des causes précédant une décision ou une action
conçues comme libres, ont visiblement péché par excès de zèle
naturaliste. La seule conscience que nous avons de nos actes, de nos
pensées, de la société, des lois et de tout ce qui définit notre
rapport au monde, en soi nous libère déjà de ce que nous pourrions
désigner comme un déterminisme aveugle, fatal et radical. Par la
conscience, nous transcendons l'immédiateté des choses. Le
souvenir, la mémoire, la méditation, la pensée profonde nous
arrachent de toutes formes de réductionnisme et le temps lui-même
ne parvient pas à nous retenir définitivement dans ses filets. La
conscience brise la chaîne du déterminisme en nous extrayant de son
emprise implacable. Il va sans dire que ce que nous nommons
déterminisme est une réalité probante et qu'il n'est pas question
de la nier ou de l'opposer à la liberté. En réalité, les
philosophes n'ont fait que transférer la Volonté divine dans cette
notion confuse et obscure de déterminisme, reliquat inavoué de la
métaphysique, étant entendu que toutes les formes de déterminismes
temporels, connus ou ignorés, qu'il s'agisse des lois physiques,
sociales, spirituelles, morales ou intellectuelles, relèvent toutes
du seul déterminisme qui soit concevable, à savoir le déterminisme
divin. Le paradoxe étant que la liberté est garantie par ce
déterminisme dès lors qu'elle en constitue la finalité, sommet
aérien et vertigineux d'une pyramide aux assises d'airain. La
condition de possibilité du libre-arbitre se trouvant être le
déterminisme lui-même, mais un déterminisme divin, éclairé,
conscient, omniscient, le seul type de déterminisme capable de
donner naissance à la conscience comme état (liberté en puissance)
et à l'acte moral (liberté pratique ou en acte). On nous accusera
certainement d'anthropocentrisme religieux, ce qui importe peu, les
procès ne nous passionnant guère. Nos accusateurs ne pourront pas
nier, pour autant, la réalité de la conscience, la singularité de
la pensée et seront bien forcés d'admettre, si tant est qu'ils
parviennent à se dégager un instant de l'étreinte forcenée de
leurs préjugés, l'évidence irréfutable du caractère inhérent à
la nature humaine de cette qualité étrange, sous tous rapports,
qu'on nomme liberté.
Souverain Bien
Dieu
est Bon et ne crée que la bonté. Le mal est un renoncement à
soi-même. Si les Hommes se connaissaient réellement, ils ne
cesseraient de persévérer dans leur être et dans cet
approfondissement serein, atteindraient les rivages divins et sans
fin du Souverain Bien.
La politique de l'esprit
La
liberté ne peut pas être, en soi et seulement en soi, une valeur
commune effective. La liberté ne fonde pas une société.
Reconnaître la liberté comme état ontologique de l'être, et donc
comme droit social de la personne, ne signifie pas former un projet
de société. La liberté se vit individuellement. Si je reconnais la
liberté comme valeur abstraite, cela ne suffit pas à créer les
liens communs d'une société. Lorsque la liberté prend une valeur
collective, c'est le plus souvent par la nature de sa structure
communautaire (dans le cas d'une religion) ou par le fait que cette
revendication à la liberté réunit des personnes revendiquant la
même chose, donc par mimétisme. Si une assemblée réunissant des
juifs, des catholiques, des protestants, des sunnites, des chiites et
des athées militants peut se mettre d'accord sur le principe d'un
droit individuel à la liberté, cet accord ne dépassera pas cette
abstraction d'un seul iota car dans les faits, l'expression de
chacune de ces libertés peut nier immédiatement l'autre dans son
principe et dans son effet. Si des liens doivent se créer entre ces
individus, ils ne pourront l'être nécessairement que dans un espace
axiologique et idéologique désaffilié de tous ces univers de
pensées, si tant est que cela soit même possible. Ou encore par la
hantise d'un ennemi commun qui les réunissent provisoirement et leur
fassent transcender leurs propres antagonismes. Ceci prouve que la
liberté ne suffit pas à fonder une société et que bien souvent
elle en dissout, à long terme, la condition de possibilité. Mais
l'absence radicale de liberté est impensable pour l'Homme car elle
participe de sa nature. Les tyrans eux-mêmes ne pourraient pas le
nier si ce n'est le fait qu'ils en restreignent le champ
d'application à leur seule personne, ce qui est le propre de la
tyrannie. Il n'y a pas de réponse parfaite à la question qu'est-ce
qui fait et fonde société. A une échelle métaphysique, cette
question rejoint encore et toujours celle de la dialectique entre
l'Un et le Multiple. Voir dans le multiple la manifestation de l'Un
est une voie à même de nous fournir une solution humaine
authentique et réaliste à cette question sociale. Mais cette
approche implique une réalisation spirituelle et intellectuelle
difficilement accessible au plus grand nombre. Or, sans cette
conscience polymorphique de l'Un, l’idolâtrie sociale du Moi et du
Même reprend ses droits et finit par imposer sa Force. Une forme
métaphysique synthétique et redéfinie sur ses bases principielles
seraient de nature à réunir les Hommes et à offrir, y compris aux
plus fervents sceptiques les garanties d'une vie commune dès lors
qu'elle s'appuierait sur la garantie réelle d'une liberté de
conscience bien comprise. La liberté de conscience n'est pas une
finalité en soi mais le moyen de rendre possible la rencontre, la
discussion et la vie commune des Hommes dont les convictions vont
jusqu'à se contredire et parfois même s'affronter. Une telle
réalité ne peut advenir que par l'entremise d'une politique de
l'esprit soutenue et mise en oeuvre par un Etat et des fonctionnaires
formés et convaincus. Comprendre que cette liberté est la condition
de possibilité d'une harmonisation sincère des esprits ; que la
liberté de conscience authentique reflète, de ce point de vue, la
manifestation de l'Un dans l'univers des existants ; et que si cette
liberté ne fait que contenir virtuellement tous les existants dans
sa manifestation, elle peut les réunir dans son principe, comprendre
tout ceci est une condition indispensable à la mise en oeuvre d'une
politique de l'esprit aussi ambitieuse. La liberté de conscience
authentique est la possibilité spirituelle de cheminer et d'aller
vers la rencontre de l'Unique. En ce sens, et en ce sens seulement,
elle participe de la manifestation du sacré dans l'Homme.
L'ascèse impossible
L'ascèse
du silence est très difficile à maintenir en société. Lors même
que vous vous êtes résout à la poursuivre, les Hommes vous
interpellent et viennent vous traquer jusqu'au seuil de la
conscience, vous imposant toute sorte de débat futiles ou
impossibles à tenir pour toutes sortes de raisons liées à
l'intensité des convictions convoquées. Dans ces conditions, le
silence, la volonté d'échapper aux polémiques et de cultiver l'art
de se taire pour subsister là où demeure l'essentiel peut
produire des dilemmes douloureux. Celui par exemple de n'avoir pas
honorer suffisamment l'exigence de vérité ou de justice et
peut-être même de l'avoir trahi. Sauf que la polémique est un
engrenage : y tendre un seul doigt vous expose à mobiliser
l'ensemble de votre corps, de votre esprit et toute votre âme pour
en sortir épuisé, le plus souvent en pure perte. Les Hommes ne
renoncent pas facilement à leurs passions et qui n'est pas prêt à
renoncer à ses croyances ne devraient pas ouvrir une discussion
contradictoire sur leur réalité.
Sentiers perdus
La
connaissance est le chemin qui nous conduit de la vacuité de
l'existence vers la réalité de l'Être. Ce chemin est sans
localisation précise, et partant, sans limites. Aucune coordonnées
ne peuvent l'indiquer. Il n'y a, comme qui dirait, ni commencement ni
fin pour celui qui chemine sur les sentiers perdus de la Singularité
cachée. La faculté de conservation de l'esprit est la seule
garantie requise pour se prémunir de la dispersion et des sorties de
pistes impromptues. Dans ce pèlerinage quotidien, quatre compagnons
nous suivent. Le questionnement nous guide, la lecture nous élève,
la mémoire nous préserve, la réflexion nous transporte. Et
pourtant, qui peut vraiment dire où nous sommes ? Et à quelle
distance se trouve la station du repos, que d'obscures et denses
buissons, gardiens inflexibles, dissimulent à tous les regards
angoissés des voyageurs égarés ? Porte engouffrée au cœur de
l'inaperçu, de l'inattendu, là même où d'ardents aspirants
retrouvèrent, au prix d'un engagement sacré où le sang a témoigné,
le monastère oublié de la sainte félicité ? Nul ne nous
l'enseignera : il faut choisir sa route, certes, mais
l'accomplissement ne peut s'obtenir que dans l'oubli de soi.
S'oublier dans ce monde, c'est ne faire plus qu'un avec le chemin,
c'est devenir soi-même la route qui conduira vers Soi.
La seule loi connue
La
foi nourrit l'espoir. Le pessimisme n'est pas admis en notre demeure.
Les croyants sont des optimistes nés. Ils sont en paix, ils vivent
en paix. La rancœur n'a pas pénétré leurs cœurs. De toute chose,
ils entrevoient le meilleur et se regardant eux-mêmes dans le visage
d'autrui, ils ne peuvent qu'ignorer le mal des autres. Et qui nous
dira ce qu'est le mal ? Le mal est l'antithèse de l'amour, la
violation de la loi car il n'est pas d'autre loi universelle que
l'amour. Donner ? Oui, mais ne donnons que par amour où bien nous ne
donnerons que la mort, le reliquat vide d'une âme absente. Rappeler
à l'ordre nos proches ? Sans doute, mais que nos sévérités soient
peintes aux couleurs de l'amour. L'amour est expansion et dans
l'univers il n'est pas d'autre loi connue.
Léthé
Nous
assistons, sous nos yeux, à la mort de l'humain. Quelle phrase
étrange qui semble suggérer que celui qui la prononce décrirait
autre chose que lui-même, comme s'il n'appartenait déjà plus à sa
famille ontologique. La conscience, cette faculté
auto-réfléchissante de l'esprit, permet cette distanciation et en
ce sens précis elle nous offre déjà une voie de salut, un autre
choix, une possibilité. En laissant la technologie devenir la
médiation maîtresse de nos rapports humains, nous avons ouvert la
porte de notre extinction collective. Nous sommes nés de la vie et
nous sommes des êtres vivants. Nos cœurs se nourrissent de cette
vie qui est le don et le signe de Dieu et de Sa manifestation
indéfinie dans le monde, la nature et les Hommes. La civilisation
moderne ne nous a pas conféré une plus grande liberté comme elle
le promettait. Hélas, la modernité a inscrit dans nos cœurs la loi
obscure du fatalisme technologique. En tournant le dos à la Source
de Vie, l'Homme prométhéen avait initié un lent et long chemin
funèbre vers la Mort éternelle. La mutation technologique qui n'est
autre que le nom savant de la fabrique d'un monstre est à présent
une étape décisive de cette marche ultime. Mais ne nous trompons
pas. Si la fatalité est bien la loi d'airain du fer, drainée par la
force irrésistible du fleuve Léthé, de son courant froid et
anesthésiant, si l'oubli de nous-mêmes nous éteint et si le
spectre nous étreint, la Vie est toujours présente, le Souffle n'a
pas renoncé, la Lumière subsiste là où rien ne peut l'atteindre.
L'envol du papillon demeure une promesse, celle de notre destin, et
aucun oracle malsain n'y changera rien.
jeudi 26 septembre 2019
La porte
Les Hommes ne vivent pas. Avoir la conscience de subsister dans leur
état, dont la nature propre, par ailleurs, leur échappe, ne définit
pas ce qu'est la Vie. Vivre n'est pas exister. C'est autre chose.
Partir à la rencontre de Dieu sans crainte de la mort, car Dieu
transcende toute chose, voilà le chemin de la vie. Sur ce chemin,
nous ne craignons plus rien, car nous sommes délestés de
l'éphémère, de la contingence, du non-être, de l'illusion. Plus
rien ne demeure hormis Lui car rien n'est hormis Lui.
La vie est donc
cette voie intérieure censée nous mener de l'illusion extérieure
vers la Réalité suprême et que bien peu d'Hommes ont choisi
d'arpenter, ou bien qu'ils suivent à rebours. Il est dit que vivre,
c'est « mourir avant de mourir » car dans ce chemin nous
précédons nécessairement la Mort elle-même. Quand nous vivons par
l'esprit de Dieu, nous sommes déjà élevés au dessus de la vanité
de toutes choses qui n'est autre que la mort en sursis. Dans ce
niveau de réalité essentielle, l'Homme est mû par la lumière et
porté par le souffle de Dieu. Enveloppé par Lui, qui pourrait
l'extraire de Lui-même ? En toutes choses, l'esprit est l'alpha
et l'oméga, le premier et le dernier.
Ainsi, le corps est le vêtement
charnel de l'esprit et le vêtement est le corps spirituel de la
chair. L'écriture est un voile et la parole est un souffle. Pour
l'Homme du temps, la mort est une limite, le terme final. Pour
l'Homme de la foi, elle est un obstacle à franchir. Pour l'Homme de
l'esprit, la mort est un simple passage, une porte déjà ouverte
vers le Retour.
dimanche 22 septembre 2019
La Terre céleste de l'éternité
Une règle d'or devrait être paraphée sur les frontispices de toutes les universités, les palais de justice, les places publiques... : affranchis-toi de la passion avant de prendre la parole et ne parle que si ta parole est essentielle. Le silence, lésé et piétiné par tous, pourrait recouvrir ses droits, et la vérité y gagnerait. Faisons preuve d'éducation et de respect dans nos mots et nos attitudes pour que la discussion ne vire pas en dissension, l'échange en polémique et le débat en pugilat. Ne craignons pas le silence et abstenons-nous de répondre par orgueil. Si l'objectif d'un échange n'est pas de reconnaître ensemble et de témoigner communément d'une vérité, alors la discussion est sans intérêt.
De
quelle vérité parlons-nous ? De la Réalité essentielle et de ses
manifestations (Al Haqiqa). Ses manifestations peuvent être diverses
mais son essence est unique. Faire le chemin de la manifestation vers
l'essence implique des conditions et nous pouvons dire, à la lumière
vacillante des débats publics, que ceux qui les réunissent sont
rares, et à ce titre, précieux. Affranchissement des passions de
l'âme (orgueil, vanité, peur, haine, colère, désir de
briller...), langage sobre mais élevé, connaissance, patience,
écoute sincère des autres, compréhension, éducation et maîtrise
de soi. La plupart des Hommes parlent pour convaincre et non pour
témoigner. Convaincre est inutile car c'est vouloir amener l'autre à
soi par la force de son propos. Il faut aller vers l'autre et
l'amener, non vers soi, mais vers le chemin de vérité sur lequel
nous nous sommes nous mêmes engagés, ce qui signifie que nous le
vivions. La saisie de la vérité est une voie qui implique un
engagement total de l'Homme et son lot de sacrifices nécessaires.
Une
bonne conversation exige du temps, de la patience, de l'écoute, de
l'interrogation personnelle, de l'entre-connaissance, et préliminaire
de tous les préliminaires, un apaisement intérieur. Le fondement de
la discussion est la réalisation spirituelle. Celui qui est en paix
avec Dieu l'est avec le monde. Il ne crains pas de voir la vérité
s'exprimer sous toutes ses formes, même celles qu'il n'avait pas
prévu. Un tel Homme n'a pas de rapport d'inclination ou de
possession à la vérité (sa vérité). Il sait différencier la
Réalité du désir ou du penchant qu'il peut cultiver envers
certaines de ces formes, et souvent même des illusions que son âme
lui a forgé. Un tel Homme regarde, pense, écoute et parle avec son
cœur, cet œil de l'esprit, ce qui l'amène à naviguer en toutes
circonstances dans le sillage de la Réalité suprême. Et si le faux
et le mensonge se présentent sous ses yeux, lui imposant leur
laideur, lui exposant leurs traits hideux et leur odeur malsaine, il
saura, là-encore, s'élever par la grâce et la noblesse d'un
souffle au-dessus de ces contingences, les congédier tantôt vers
l'abîme qui les fit naître, pour aller s'enraciner, Très-haut,
dans la Terre céleste de l'éternité.
mercredi 4 septembre 2019
La constellation
Si
tant de personnes ne savent plus comment croire individuellement,
c'est avant toute chose parce que nous avons désappris à croire
ensemble. Vivre la foi en communauté demande un apprentissage. La
société étouffe cette aspiration et entrave son éclosion. Notre
premier devoir est de briller de mille feux, de nous répandre,
soleil spirituel, hors de nous-mêmes, et de cultiver l'arcane
subtile du mouvement immobile. Alors seulement, il nous faudra
réapprendre à nous mouvoir ensemble, dans l'écoulement silencieux
de la lumière, pour trouver notre place et pour la partager, pour
découvrir notre rythme et pour l'harmoniser avec celui des autres.
Dans cet embrassement général, le solaire inaugure le chant
lunaire, la comète annonce la symphonie astrale des étoiles, et
dans cette effusion spirituelle, et dans ce choc des apparitions,
donnent secrètement naissance à une constellation.
dimanche 1 septembre 2019
Le sens de l'Hégire
En
cette nouvelle année 1441, les musulmans devraient se souvenir que
l'Hégire marque l'exil consécutif à la persécution religieuse. Ce
seul enseignement hégirien, parmi d'autres, devrait faire de la
tolérance religieuse une valeur cardinale du monde musulman. Nous
savons que ce n'est malheureusement pas (plus) le cas. La thématique
de la liberté de conscience religieuse implique trois niveaux à ne
jamais confondre : 1) Le régime de vérité, relatif aux discussions
réservés aux sachants, à ceux qui sont versés et initiés dans la
connaissance des Ecritures, discussions pour déterminer ce qu'est la
juste et bonne croyance. 2) Le régime de liberté propre à chaque
individu. 3) Le régime législatif et social qui concerne la réalité
législative d'une nation en matière religieuse, fruit de son
histoire. Aborder la question de la liberté de conscience en
ignorant ou confondant l'une de ces trois étapes mène à une
aporie. La tolérance n'est pas dans l'adhésion à n'importe quel
régime de croyance au prétexte de la liberté. La tolérance est de
respecter le droit pour un individu de choisir sa voie, quelque soit
son choix. Encore faut-il qu'il en ait un. En France, la liberté de
conscience dans sa dimension publique a été abolie. La laïcité a
consacré cette abolition et les développements historiques auxquels
nous avons assisté n'ont fait que confirmer cette vérité. Pour
qu'il y ait liberté de conscience, il faut qu'il ait choix et
respect publique de ce choix. La difficulté est de trouver une
solution sociale et juridique qui garantissent un équilibre social
et une équité individuelle. Les sociétés religieuses ou athées
placent le régime de "leur vérité" au dessus du régime
de liberté. Il y a des exceptions et des modèles hybrides, mais le
préalable est le discernement, et quoi qu'il arrive, c'est au niveau
du choix et du modèle de hiérarchisation des trois régimes que la
différence s'accomplira. Pour notre part, la vérité doit
prédominer sans s'imposer sinon naturellement, à cette seule
exception qu'elle ne se dévoile et ne s'accomplit pas seulement sous
ses aspects théoriques et doctrinaux, mais qu'elle se vit et se
manifeste dans ses attitudes, ses comportements, ses vertus, sa
vitalité spirituelle,etc. La vérité doit laisser aux autres un
chemin qui mène jusqu'à elle.
mercredi 28 août 2019
La chute
Dans la perspective islamique traditionnelle, et plus largement dans les enseignements authentiques de toutes les traditions, la démarche de la connaissance a toujours fait l'objet au préalable d'une ascèse propédeutique de nature propitiatoire. Nous faisons référence à la voie initiatique menant à la purification de l'âme (tazkiat-annafs), à l'illumination du cœur et au dévoilement de l'esprit. Cette condition préliminaire permettait à l'aspirant de se préserver de ses déviances, des interprétations fallacieuses suggérées par l'âme, des influences néfastes ou erronées, de nature doctrinale ou sociale, déterminées par l'environnement humain ou infra-humain. Affranchi de toutes ces impasses, l'aspirant pouvait aborder l'entreprise de la connaissance d'une manière particulière. En suivant une voie claire et solide orientée vers le Principe immuable et unique de toutes choses (Allah), en s'abreuvant des connaissances et des manifestations vivantes de l'Être Un, en étant continuellement absorbé par la présence de la Vérité Une dans la demeure du cœur, l'aspirant accédait à un niveau de connaissance englobant et qualitatif, parfaitement ignoré de nos contemporains. Ces derniers, emportés et noyés dans un torrent de boue émotionnelle, ne sont plus capables de distinguer le vrai du faux, la Vérité de l'illusion, l'essence de l'accident, le Principe de son inversion. Dans un tel état d'oubli de soi, et face à une dégénérescence aussi accomplie, la violence de l'impact avec la Réalité suprême (Al Haqiqa) à laquelle leur chute les condamnent, les destinent à une pulvérisation prochaine qu'eux-mêmes pressentent déjà indistinctement. A l'heure du sacre noir, du zénith inférieur, alors que la démesure païenne de l'Homme prométhéen semble avoir achevé de le dévorer, une nouvelle ère d'ignorance a recouvert l'esprit et voilé le cœur de nos contemporains, sourds à nos appels, dans l'attente résignée du redressement final.
mardi 27 août 2019
La leçon
La
sagesse est toujours une victoire obtenue contre soi. Penser contre
ses basses tendances, les congédier par l'instinct aguerri d'une
patience avisée, ramer sans cesse pour atteindre la quiétude
céleste et infinie de l'esprit, au péril des orages de l'âme, de
son sursaut brutal, de ses cruelles persécutions. Tous ces efforts
épuisants mais nécessaires, cette vigilance de tous les instants,
nous les prodiguons, animés d'une paisible détermination. Et de
cette expérience que nous confère l'existence, une leçon brille
parmi d'autres : en toutes choses, approfondir notre regard. Les
pommes pourries ne se découvrent pas à fleur de peau, mais à nu.
samedi 24 août 2019
Les trois sentiers
Il
faut rompre les amarres, lever l'ancre et partir au loin, vers le
large. Les tergiversations ne sont plus d'actualité. Que veut-on
vraiment ? Atteindre l'Absolu ou se résoudre à la mort lente
et ignoble que nous propose cette époque laide, malsaine et sans
honneur ?
Pour se hisser et s'envoler vers la Vie, pour
l'embrasser à pleines lèvres, pour l'étreindre sans ménagement,
il n'est pas d'autre voie que la rupture totale et sans faiblesse
avec nos contemporains.
Tout ceux qui tremblent à cette alternative,
et la cohue de plaideurs qui, d'un haussement d'épaules, tenteront
de nous convaincre par des sermons à la pureté de fange de revenir
à la raison d'une société qui n'en a plus aucune, toute cette
masse hideuse n'est plus en mesure de nous arrêter.
Les
mensonges des philosophes, qui promettaient plus qu'ils ne pouvaient
tenir, nous ont éloigné de la connaissance véritable.
En allant
s'échouer dans les abîmes vengeresses de la nuit de l'esprit, ces
apôtres du désespoir, morts comme ils ont vécu, ont eu le destin
qu'ils méritaient.
Ces imposteurs qui de la sagesse, se sont
appropriés l'enseigne, et des sages, le mérite, ont égaré des
générations d'aspirants.
Et le modèle négatif de ces âmes sans
lumière et de ces cœurs sans vie, doit éternellement nous servir
de leçon.
Pour ne pas oublier où mène l'orgueil. Pour reconnaître
les traits rugueux de son visage. Pour identifier le son acrimonieux
de sa clameur. Pour persécuter sans relâche l'ombre de ses spectres
revenants.
La
trahison des politiques qui, à leur tour, ont vendu leur âme au
démon du pouvoir, ont conduit les peuples à leur perte, le ventre
plein de fausses promesses et le regard hébété, pareils à des
ovins qu'on engraissent, avant de les conduire à l'abattoir.
La
lâcheté des théologiens n'est pas la moindre. Ceux qui ont négocié
la pureté du message des Textes sacrés pour une bribe de notoriété,
se laissant lentement glissés le long du sentier de l'âme qui
susurre des vocations interdites, tournant le dos à leurs
convictions pour se hisser, un bref instant, sur les épaules d'un
Titan de fumée, ont provoqué, sous leurs funestes pas, une
avalanche de désolation.
L'an
I de l'ère de Qaroun n'était pas encore achevé que nos
théologiens, philosophes et politiques s'empressaient de confier
leurs destinées aux nouveaux maîtres des temps : les argentiers.
Lorsque
le soleil décline et que les chauve-souris surgissent des brèches
ouvertes par la Nuit ; lorsque des nations de moustiques aiguisent
leurs aiguilles voraces avant de fondre sur le genre humain ; lorsque
les charognards lèvent opportunément le camp en quête de
dépouilles précoces, alors lèves-toi et saisit le feu.
Tison,
flambeau, bûcher, qu'importe ! Saisit-le et brûle les ailes
ténébreuses des démons volants, aux orbites dévorées par Satan.
Que ces émissaires enivrés de sang, avant-garde de la cécité
libérée par Prométhée, soient défaits !
Repousse la progression
du sable, et brise, à l'instar d'un roc de vérité primaire, les assauts des vagues de l'insignifiance déferlant sur l'esprit.
Mets toi en
marche, lèves tes armées, et part à la rencontre de ces bêtes
difformes nées des échanges incestueux entre mère Laideur et fille Cruauté.
Et
si tu es seul sur le chemin, et si tes alliés te faussent compagnie,
alors dédouble-toi, multiplie-toi, et sois sans crainte, car pour
faire fuir l'ennemi, il suffira d'un cri.
Et comme ton frère,
l'ouragan, dissipant sans effort la fumée des vaines ambitions, d'un
seul coup de clairon, tu abattras ces légions.
Il
faut rompre les amarres, lever l'ancre et partir au loin, vers le
large.
Pour
trouver l'espoir, s'abreuver à sa source, désespères de cette vie,
d'un désespoir accompli. Déraciner les attaches, survoler le
désert.
L'espoir
est ailleurs, et son reflet n'indique pas sa présence, mais sa
distance.
Pour y parvenir, il faut avoir suivi, au préalable, les
trois sentiers de la nécessité.
Sur
le premier sentier, nous poursuivrons nécessairement l'illusion pour
en découvrir la marque.
Sur
le second sentier, nous comprendrons la nécessité de rompre
radicalement avec les faux-semblants, ces marécages inconsistants,
pour mieux nous élancer et plonger dans l'Océan de l'éternel
instant.
Sur
les pas du troisième sentier, nous consentirons à nous dévêtir de
nos habits terrestres, prêts à nous mettre à nu et à nous avancer
pour nous livrer, avec sérénité, aux pieds de l'Insondable
Félicité.
mardi 13 août 2019
Destinée
Les
désirs et les fantasmes que nous projetons sur notre destinée nous
éloignent de sa connaissance plus loin qu'une feuille jaunie, gisant
au pied de l'arbre de vie, avant qu'un souffle
libérateur ne l'emporte. Nous ne serons capables de manifester
du respect à notre destinée qu'au moment où nous la comprendrons.
Et qu'est-ce que la destinée sinon la Volonté de Dieu venant à
notre rencontre pour faire connaissance, pour que la connaissance se
fasse et s'accomplisse ? Tant que nous nous parerons de faux espoirs,
nous serons condamnés à la vicissitude de l'oubli, à la
noyade dans le fleuve Amnésie. La destinée est le chemin que nous
empruntons pour faire retour vers l'Arbre de Vie. Ce chemin, nous le
frayons de nos pas, nous le formons de nos choix. Mais au terme
de l'expédition, combien d'entre nous savent ce qu'ils y
trouveront ? « Ceux qui sèment avec larmes, moissonneront
avec chants d'allégresse. Celui qui marche en pleurant, quand il
porte la semence, revient avec allégresse, quand il porte ses
gerbes. » Psaumes, 126, 5-6.
samedi 6 juillet 2019
Nous ne sommes pas de ce monde
Notre
passé se confond avec l'Origine. Notre avenir plonge dans
l'éternité. Le présent ? Simple intervalle sur la route qui nous
mène vers l'Absolue singularité. Nous ne sommes pas de ce monde.
Cette époque nous ignore. Elle refuse de nous voir. Nous ne sommes
qu'une illusion persistante, un mauvais rêve. Peuple de la Nuit que
dans son sommeil elle tolère.
Nous ne sommes pas de ce monde. Nous
sommes d'ailleurs. Enfants d'un pays oublié, fils d'un père banni,
nous nous traînons péniblement à la recherche de nos semblables.
Un temps seulement. Las de ne rien trouver, nous marchons seuls. Où
sont les nôtres ? Nous ne les reconnaissons plus. Leur visage ne
nous est plus familier. Le son de leur voix, éloignée, nous est
inaudible. Nous ne nous reconnaissons plus nous-mêmes. La route a
été longue et l'adversité a tracé ses sillons sur nos visages.
Nos âmes, balafrées, ne supportent plus le regard des autres. Nos
cœurs, inquiets, hantent la pénombre des secrets pour ne pas
succomber.
Bien que la mélancolie nous accompagnent et que nos pas soient pesant, nous
marchons pourtant, solennellement, à la rencontre de nous-mêmes. A
la recherche d'un "nous" qui soit autre chose qu'un "moi".
En quête de Soi, nous espérons car l'espoir est notre horizon. Et à
force de courage et d'abnégation, et dans le reflet d'une sauvage
méditation, nous entrevoyons, sur cette Terre dévastée, un chemin
de salut.
Il est une route pour les Hommes de paix, les déshérités,
les âmes dévastées. Et bien souvent, c'est au bord de l'abîme que
nous apercevons cette route, la seule qui mène quelque part. La
route du Ciel qu'on ne peut emprunter qu'en étant délesté de toute
vanité, et au prix d'une initiation douloureuse, sans cesse
renouvelée. Une route oubliée où nous retrouverons notre identité,
déterrée par la douce fraîcheur d'une brise matinale, à l'aube
d'un Nouveau jour, dans le regard de l'Autre, dans le visage des
nôtres.
jeudi 20 juin 2019
Ombre en sursis
Beaucoup
de gens ne servent à rien. Ils n'améliorent pas autrui, et ne sont
pas plus disposés à ce qu'autrui les améliorent. Leur pas sur
cette terre est lourd, leur visage grimaçant. Ils se portent
eux-mêmes comme on porte un fardeau.
Beaucoup de gens ne savent
rien, et comble de l'affront, cette chose même, ils l'ignorent.
Prisonniers de leurs sensations, de leurs habitudes, de leur petite
sécurité, ils ne comprennent guère quelle mauvaise raison devrait
les conduire à sortir d'eux-mêmes pour se tourner ailleurs, dans un
autre sens, pour lever la tête vers le ciel et partir, suprême
blasphème, à la Rencontre avec l'Infini.
Beaucoup de gens ne
croient en rien. Du moins, le croient-ils, dans leur mauvaise foi.
Rien n'est digne de leur croyance, car la confiance se mérite et nul
autre qu'eux-mêmes ne saurait l'inspirer. Incroyants, ils voudraient
qu'on les croit sur parole. Le scepticisme est leur religion et
pourtant, la main sur le cœur, et sur la foi d'eux-mêmes, ils ne
doutent de rien. Éternels apostats que le néant lui-même vomit.
Beaucoup de gens ne voient et n'entendent rien. Rien d'autre que la
portée de leur nez, que le son de leur voix. N'écoutant
qu'eux-mêmes, ils ne saisissent distinctement que l'écho de leur
propre opinion, étant par ailleurs incapables de penser. Toute autre
musique leur est étrangère. Leur regard se perd dans la brume de l’ego et leur parole porte en germe le conflit, comme la nuée
apporte l'orage. Notre silence est une énigme qu'ils redoutent,
notre apaisement, un miroir dont ils craignent le regard. La
conviction les laisse perplexe et la vertu les épuise.
Beaucoup de
gens ne vivent pour rien. Et lorsque par malheur, nous nous
surprenons à les questionner sur le sens de leur vie, peut-être
dans l'espoir d'un sursaut, leurs traits se raidissent, leur vue se
trouble et leurs cœurs frémissent. Nos mots, incompréhensibles,
les traquent comme la mélodie d'un cor de chasse dont ils seraient
la proie. Nos intentions, insoutenables, ont pour eux le visage
défiguré d'un spectre. Vivre ? Pourquoi faire. Exister, c'est
bien assez.
Beaucoup d'Hommes marchent à la rencontre de leur destin
avec l'allure insouciante d'une ombre en sursis. Et ma plus grande
crainte est d'en faire partie.
mercredi 19 juin 2019
Deux chapitres
Quel malheur plus grand que celui d'être coupé de la vérité ? Irrémédiablement coupé, c'est à dire séparé, d'une séparation presque étanche, qui interdit toute forme d'accès à la vision, à la reconnaissance et à l'identification claire et évidente de cette vérité fondamentale à laquelle, sous quelque forme que ce soit, nous sommes tous redevables et pour laquelle nous sommes appelés à témoigner. La vérité, comme fondement, est ce sol sur lequel marche l'Homme et sans lequel il ne peut se maintenir debout. Sans ce solide appui, quelle terre portera ses pas ? Et quel autre devoir pour l'Homme spirituel, ce souffle projeté dans cette époque stérile comme une fleur dans le désert, peut être plus important que celui de rétablir l'accès aux sentiers menant vers elle, et de ré-ouvrir les Routes du Soi ? Notre manuel de survie spirituelle ne mentionne que deux chapitres : enracinement et élévation. Enracinement, loin de la surface sableuse des conventions sociales, dans la terre liquide des principes de vie, et en-deçà, au fond des océans de feu qui soutiennent le lit du monde. Élévation, contre les appels à la chute des âmes que les basses puissances répètent en boucle sur les basses fréquences de leur bassesse mortifère. Puisqu'il n'est, en définitif, qu'un seul choix : Vivre ou se laisser mourir...
samedi 15 juin 2019
L'ombre de la Nuit
Les
Hommes courent après l'argent, le pouvoir et la notoriété pour
tous les privilèges qu'ils leurs confèrent. Et au nom de quoi le
font-ils ? Au nom de leur sécurité personnelle, de l'amour et du
devoir que leur inspirent la religion, le gouvernement ou la patrie,
ou bien encore du sens des responsabilités que la société et
l'époque leur incomberaient d'assumer.
Ambassadeurs
de bonne volonté du genre humain, qu'ils servent avec la ferveur de
mercenaires animés par le gain, ces Hommes apprêtent la vérité
comme une parure destinée à couvrir la férocité d'une ambition
démesurée. Leur volonté de puissance n'est pas prête à laisser
la moindre parcelle de terre spirituelle échapper à leur appétit
de conquête. Corsaires déguisés en messagers de bonne moralité,
tu les verras toujours précédés de deux sentinelles, deux cerbères
agités par la fièvre et portant au cou un médaillon pourpre où
chacun peut lire, en lettres de braise, cette inscription : orgueil
et convoitise.
L'argent,
le pouvoir, la notoriété, et toutes les illusions qu'ils
drainent ont
toujours corrompu la nature humaine. Et
pourtant, le Fils des ténèbres ne cesse de pourchasser, avec
la frénésie désespérée d'un corps à la recherche de son âme
perdue, ces idoles tyranniques qui ne lui laisse aucun
répit. Jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il voit son cœur, léché par
les flammes cruelles de sa vanité, se consumer entièrement et se
disperser dans les cendres de l'oubli, qu'on appelle aussi l'ombre de
la nuit.
Vivre sa pensée
Réminiscence archéologique de l'"Angélus" de Millet, Salvador Dali. |
La
qualité des expériences de vie d'un penseur détermine aussi la
richesse de sa pensée. La pensée ne peut se concevoir hors de la
vie même. La pensée est l'émanation même de la vie. Pour penser à
la mesure de ce que la vie nous offre à penser, le penseur doit
vivre pleinement sa vie. L'artiste ne peut survivre autrement que par
la métamorphose que la Vie lui offre au gré de chaque rencontre, à
la faveur de telle épreuve, et au contact même de l'adversité.
Sans cette plénitude de vie, aucune œuvre digne de ce nom ne peut
voir le jour sans se condamner derechef à la malédiction fatale de
la répétition de soi. Les arbres ne naissent pas à la surface du
sol mais puisent leur force de leurs racines alimentées des ténèbres
de la profondeur. Et de ces ténèbres intimes, ils s'élèvent vers
la cime du monde.
jeudi 13 juin 2019
La responsabilité
La
règle doit être comprise pour ce qu'elle est et appréhendée telle
quelle. La règle a pour nous la fonction d'un apprentissage. Elle
nous enseigne ce que nous sommes et pour découvrir cet enseignement
nous devons nécessairement atteindre le seuil de nos propres
limites. La règle est là pour nous signifier cette limite.
La
saisie de la règle comme médium et véhicule nous ouvre la porte
d'un apprentissage de soi, et ce n'est pas le moindre de ses mérites.
Elle rend possible l'harmonisation de l'être et du véhicule de la
règle. C'est d'ailleurs à cette condition d'harmonisation que la
règle peut nous fait parvenir jusqu'aux arcanes secrètes du Soi.
Une règle imposée brutalement de l'extérieur est une règle
détournée.
Que sommes-nous vraiment en droit d'attendre de la règle
? Jusqu'où un tel véhicule peut nous mener ? Je crois qu'il
nous mènera vers les sentiers de l'espoir authentique auxquels la
force légitime de nos efforts nous aura hissé. Au-delà se trouve
une promesse plus ambitieuse : l'acquisition de notre
responsabilité.
Rien ne caractérise davantage la dignité du projet
humain que cette responsabilité à laquelle Dieu l'appelle depuis la
Nuit des temps et qui constitue son horizon. Rien ne désigne mieux
l'ampleur de la tragédie de l'Homme que le fait qu'il se refuse à
l'assumer.
dimanche 9 juin 2019
La racine du présent
"Ma Miséricorde a précédé Ma Colère". La rancune nous enchaîne au passé. L'attente de justice nous ligote à l'avenir. Mais le pardon, magnanime, nous arrachant des mauvaises herbes persistantes de notre orgueil, nous libère du joug du ressentiment en nous enracinant dans l'éternel présent, ouvrant, par là même, à notre coeur un passage nécessaire pour que s'élèvent et fleurissent les plus nobles tiges de notre personnalité.
jeudi 6 juin 2019
Liberté nocturne
samedi 1 juin 2019
L'Homme de vertu
Il
n'y a ni privilège, ni fatalité. Ceux qui ont si peu estimé la
valeur du Bien se sont reniés eux-mêmes. Le mérite se convoite car
il s'hérite, se plaisent-ils à croire. La perdition restera
toujours un mystère, pour les voyants. Pour ceux qui n'ont pas perdu
le mystère. Le mérite se gagne à la faveur de ce que nous lui
offrons, car il n'est pas de don possible pour ceux qui ont tout
reçu. Quand à la vertu, elle ne surgit pas du néant. Elle se
cultive à la sueur de nos efforts, qui l'abreuve, et à la lumière
de notre conviction qui la nourrit. Encore faut-il en avoir. Mais
avoir des convictions est insuffisant.
Il arrive fréquemment que
l'émissaire du Mal vienne à notre rencontre, se risquant à violer
nos frontières, dans l'espoir de franchir notre demeure. Dans sa
poursuite effrénée, l'Ombre nous réclame un bien précieux, notre
dépôt. Nous enveloppant de sa forme obscure, nous caressant de ses
doigts troublants, la main aux douteuses extrémités cherche à
pénétrer le seuil de notre sanctuaire pour y déverser discrètement
une fiole opaque, un poison. Mais dans la proximité des ténèbres,
l'Homme de vertu trouve son territoire, et brille, dans le sillage de
leur confrontation, par sa force tranquille.
Contre la chaleur
étouffante de la corruption, on l'a vu se muer volontiers en orage.
Face aux brumes épaisses du mensonge, le voilà devenu tornade. Aux
coulées répugnantes de l'égarement, aux écoulements sinueux de
l'avidité, aux sables mouvants de l'égoïsme, répondent en chœur les fléaux sinistres de l'Apocalypse, ses amis, que sa prière a
convoqué sans tarder. Rare, intense et lourde de sens, sa parole
résonne dans les cavités célestes comme l'écho d'une annonciation
primitive. Son regard est foudroyant. Son silence, magistral.
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