jeudi 26 septembre 2019

La porte


Les Hommes ne vivent pas. Avoir la conscience de subsister dans leur état, dont la nature propre, par ailleurs, leur échappe, ne définit pas ce qu'est la Vie. Vivre n'est pas exister. C'est autre chose. Partir à la rencontre de Dieu sans crainte de la mort, car Dieu transcende toute chose, voilà le chemin de la vie. Sur ce chemin, nous ne craignons plus rien, car nous sommes délestés de l'éphémère, de la contingence, du non-être, de l'illusion. Plus rien ne demeure hormis Lui car rien n'est hormis Lui. 


La vie est donc cette voie intérieure censée nous mener de l'illusion extérieure vers la Réalité suprême et que bien peu d'Hommes ont choisi d'arpenter, ou bien qu'ils suivent à rebours. Il est dit que vivre, c'est « mourir avant de mourir » car dans ce chemin nous précédons nécessairement la Mort elle-même. Quand nous vivons par l'esprit de Dieu, nous sommes déjà élevés au dessus de la vanité de toutes choses qui n'est autre que la mort en sursis. Dans ce niveau de réalité essentielle, l'Homme est mû par la lumière et porté par le souffle de Dieu. Enveloppé par Lui, qui pourrait l'extraire de Lui-même ? En toutes choses, l'esprit est l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier. 


Ainsi, le corps est le vêtement charnel de l'esprit et le vêtement est le corps spirituel de la chair. L'écriture est un voile et la parole est un souffle. Pour l'Homme du temps, la mort est une limite, le terme final. Pour l'Homme de la foi, elle est un obstacle à franchir. Pour l'Homme de l'esprit, la mort est un simple passage, une porte déjà ouverte vers le Retour.

dimanche 22 septembre 2019

La Terre céleste de l'éternité


Une règle d'or devrait être paraphée sur les frontispices de toutes les universités, les palais de justice, les places publiques... : affranchis-toi de la passion avant de prendre la parole et ne parle que si ta parole est essentielle. Le silence, lésé et piétiné par tous, pourrait recouvrir ses droits, et la vérité y gagnerait. Faisons preuve d'éducation et de respect dans nos mots et nos attitudes pour que la discussion ne vire pas en dissension, l'échange en polémique et le débat en pugilat. Ne craignons pas le silence et abstenons-nous de répondre par orgueil. Si l'objectif d'un échange n'est pas de reconnaître ensemble et de témoigner communément d'une vérité, alors la discussion est sans intérêt. 


De quelle vérité parlons-nous ? De la Réalité essentielle et de ses manifestations (Al Haqiqa). Ses manifestations peuvent être diverses mais son essence est unique. Faire le chemin de la manifestation vers l'essence implique des conditions et nous pouvons dire, à la lumière vacillante des débats publics, que ceux qui les réunissent sont rares, et à ce titre, précieux. Affranchissement des passions de l'âme (orgueil, vanité, peur, haine, colère, désir de briller...), langage sobre mais élevé, connaissance, patience, écoute sincère des autres, compréhension, éducation et maîtrise de soi. La plupart des Hommes parlent pour convaincre et non pour témoigner. Convaincre est inutile car c'est vouloir amener l'autre à soi par la force de son propos. Il faut aller vers l'autre et l'amener, non vers soi, mais vers le chemin de vérité sur lequel nous nous sommes nous mêmes engagés, ce qui signifie que nous le vivions. La saisie de la vérité est une voie qui implique un engagement total de l'Homme et son lot de sacrifices nécessaires. 


Une bonne conversation exige du temps, de la patience, de l'écoute, de l'interrogation personnelle, de l'entre-connaissance, et préliminaire de tous les préliminaires, un apaisement intérieur. Le fondement de la discussion est la réalisation spirituelle. Celui qui est en paix avec Dieu l'est avec le monde. Il ne crains pas de voir la vérité s'exprimer sous toutes ses formes, même celles qu'il n'avait pas prévu. Un tel Homme n'a pas de rapport d'inclination ou de possession à la vérité (sa vérité). Il sait différencier la Réalité du désir ou du penchant qu'il peut cultiver envers certaines de ces formes, et souvent même des illusions que son âme lui a forgé. Un tel Homme regarde, pense, écoute et parle avec son cœur, cet œil de l'esprit, ce qui l'amène à naviguer en toutes circonstances dans le sillage de la Réalité suprême. Et si le faux et le mensonge se présentent sous ses yeux, lui imposant leur laideur, lui exposant leurs traits hideux et leur odeur malsaine, il saura, là-encore, s'élever par la grâce et la noblesse d'un souffle au-dessus de ces contingences, les congédier tantôt vers l'abîme qui les fit naître, pour aller s'enraciner, Très-haut, dans la Terre céleste de l'éternité.

mercredi 4 septembre 2019

La constellation


Si tant de personnes ne savent plus comment croire individuellement, c'est avant toute chose parce que nous avons désappris à croire ensemble. Vivre la foi en communauté demande un apprentissage. La société étouffe cette aspiration et entrave son éclosion. Notre premier devoir est de briller de mille feux, de nous répandre, soleil spirituel, hors de nous-mêmes, et de cultiver l'arcane subtile du mouvement immobile. Alors seulement, il nous faudra réapprendre à nous mouvoir ensemble, dans l'écoulement silencieux de la lumière, pour trouver notre place et pour la partager, pour découvrir notre rythme et pour l'harmoniser avec celui des autres. Dans cet embrassement général, le solaire inaugure le chant lunaire, la comète annonce la symphonie astrale des étoiles, et dans cette effusion spirituelle, et dans ce choc des apparitions, donnent secrètement naissance à une constellation.

dimanche 1 septembre 2019

Le sens de l'Hégire


En cette nouvelle année 1441, les musulmans devraient se souvenir que l'Hégire marque l'exil consécutif à la persécution religieuse. Ce seul enseignement hégirien, parmi d'autres, devrait faire de la tolérance religieuse une valeur cardinale du monde musulman. Nous savons que ce n'est malheureusement pas (plus) le cas. La thématique de la liberté de conscience religieuse implique trois niveaux à ne jamais confondre : 1) Le régime de vérité, relatif aux discussions réservés aux sachants, à ceux qui sont versés et initiés dans la connaissance des Ecritures, discussions pour déterminer ce qu'est la juste et bonne croyance. 2) Le régime de liberté propre à chaque individu. 3) Le régime législatif et social qui concerne la réalité législative d'une nation en matière religieuse, fruit de son histoire. Aborder la question de la liberté de conscience en ignorant ou confondant l'une de ces trois étapes mène à une aporie. La tolérance n'est pas dans l'adhésion à n'importe quel régime de croyance au prétexte de la liberté. La tolérance est de respecter le droit pour un individu de choisir sa voie, quelque soit son choix. Encore faut-il qu'il en ait un. En France, la liberté de conscience dans sa dimension publique a été abolie. La laïcité a consacré cette abolition et les développements historiques auxquels nous avons assisté n'ont fait que confirmer cette vérité. Pour qu'il y ait liberté de conscience, il faut qu'il ait choix et respect publique de ce choix. La difficulté est de trouver une solution sociale et juridique qui garantissent un équilibre social et une équité individuelle. Les sociétés religieuses ou athées placent le régime de "leur vérité" au dessus du régime de liberté. Il y a des exceptions et des modèles hybrides, mais le préalable est le discernement, et quoi qu'il arrive, c'est au niveau du choix et du modèle de hiérarchisation des trois régimes que la différence s'accomplira. Pour notre part, la vérité doit prédominer sans s'imposer sinon naturellement, à cette seule exception qu'elle ne se dévoile et ne s'accomplit pas seulement sous ses aspects théoriques et doctrinaux, mais qu'elle se vit et se manifeste dans ses attitudes, ses comportements, ses vertus, sa vitalité spirituelle,etc. La vérité doit laisser aux autres un chemin qui mène jusqu'à elle.