dimanche 29 décembre 2019

Le voile de l'âme


L'âme ou l'ego nous voile l'accès à la connaissance réelle en nous déformant positivement ce que nous sommes et négativement ce que sont les autres, cette disposition naturelle étant destinée à nous protéger du spectacle de la laideur de notre âme et du désarroi qu'entraînerait cette découverte. Raison pour laquelle Dieu a associé l'accès à une connaissance authentique et immédiate du réel au travail spirituel sur soi et à la purification de l'âme pour que la vision dégagée des choses ainsi obtenue soit corrélée à la beauté de l'être.

Le système ne peut percer le Réel


Nous avons crée des concepts, des méthodes et des systèmes de pensées censés nous garantir un meilleur accès au réel et à la connaissance. Mais pris au piège de nos propres créations nous avons fini par considérer que n'était réel que ce qui rentrait dans le moule de nos outils conceptuels. Au point où nous avons déformé la compréhension de cette même réalité en la réduisant au formalisme mathématique de notre logique et par cette déformation avons détourné notre conscience de sa contemplation. Nos systèmes par les limites même de leur formalisme étaient incapables de nous dire quoi que ce soit de profond et de sensé sur une réalité qui ne cessait de nous échapper à mesure que nous tentions de la définir et qui nous englobe invinciblement de son mystère.

dimanche 8 décembre 2019

L'erreur des philosophes



Les philosophes (Spinoza, Nietzsche) qui ont nié la possibilité d'une liberté, fusse-t-elle relative, attribuant cette croyance à l'ignorance des causes précédant une décision ou une action conçues comme libres, ont visiblement péché par excès de zèle naturaliste. La seule conscience que nous avons de nos actes, de nos pensées, de la société, des lois et de tout ce qui définit notre rapport au monde, en soi nous libère déjà de ce que nous pourrions désigner comme un déterminisme aveugle, fatal et radical. Par la conscience, nous transcendons l'immédiateté des choses. Le souvenir, la mémoire, la méditation, la pensée profonde nous arrachent de toutes formes de réductionnisme et le temps lui-même ne parvient pas à nous retenir définitivement dans ses filets. La conscience brise la chaîne du déterminisme en nous extrayant de son emprise implacable. Il va sans dire que ce que nous nommons déterminisme est une réalité probante et qu'il n'est pas question de la nier ou de l'opposer à la liberté. En réalité, les philosophes n'ont fait que transférer la Volonté divine dans cette notion confuse et obscure de déterminisme, reliquat inavoué de la métaphysique, étant entendu que toutes les formes de déterminismes temporels, connus ou ignorés, qu'il s'agisse des lois physiques, sociales, spirituelles, morales ou intellectuelles, relèvent toutes du seul déterminisme qui soit concevable, à savoir le déterminisme divin. Le paradoxe étant que la liberté est garantie par ce déterminisme dès lors qu'elle en constitue la finalité, sommet aérien et vertigineux d'une pyramide aux assises d'airain. La condition de possibilité du libre-arbitre se trouvant être le déterminisme lui-même, mais un déterminisme divin, éclairé, conscient, omniscient, le seul type de déterminisme capable de donner naissance à la conscience comme état (liberté en puissance) et à l'acte moral (liberté pratique ou en acte). On nous accusera certainement d'anthropocentrisme religieux, ce qui importe peu, les procès ne nous passionnant guère. Nos accusateurs ne pourront pas nier, pour autant, la réalité de la conscience, la singularité de la pensée et seront bien forcés d'admettre, si tant est qu'ils parviennent à se dégager un instant de l'étreinte forcenée de leurs préjugés, l'évidence irréfutable du caractère inhérent à la nature humaine de cette qualité étrange, sous tous rapports, qu'on nomme liberté.

Souverain Bien


Dieu est Bon et ne crée que la bonté. Le mal est un renoncement à soi-même. Si les Hommes se connaissaient réellement, ils ne cesseraient de persévérer dans leur être et dans cet approfondissement serein, atteindraient les rivages divins et sans fin du Souverain Bien.

La politique de l'esprit



La liberté ne peut pas être, en soi et seulement en soi, une valeur commune effective. La liberté ne fonde pas une société. Reconnaître la liberté comme état ontologique de l'être, et donc comme droit social de la personne, ne signifie pas former un projet de société. La liberté se vit individuellement. Si je reconnais la liberté comme valeur abstraite, cela ne suffit pas à créer les liens communs d'une société. Lorsque la liberté prend une valeur collective, c'est le plus souvent par la nature de sa structure communautaire (dans le cas d'une religion) ou par le fait que cette revendication à la liberté réunit des personnes revendiquant la même chose, donc par mimétisme. Si une assemblée réunissant des juifs, des catholiques, des protestants, des sunnites, des chiites et des athées militants peut se mettre d'accord sur le principe d'un droit individuel à la liberté, cet accord ne dépassera pas cette abstraction d'un seul iota car dans les faits, l'expression de chacune de ces libertés peut nier immédiatement l'autre dans son principe et dans son effet. Si des liens doivent se créer entre ces individus, ils ne pourront l'être nécessairement que dans un espace axiologique et idéologique désaffilié de tous ces univers de pensées, si tant est que cela soit même possible. Ou encore par la hantise d'un ennemi commun qui les réunissent provisoirement et leur fassent transcender leurs propres antagonismes. Ceci prouve que la liberté ne suffit pas à fonder une société et que bien souvent elle en dissout, à long terme, la condition de possibilité. Mais l'absence radicale de liberté est impensable pour l'Homme car elle participe de sa nature. Les tyrans eux-mêmes ne pourraient pas le nier si ce n'est le fait qu'ils en restreignent le champ d'application à leur seule personne, ce qui est le propre de la tyrannie. Il n'y a pas de réponse parfaite à la question qu'est-ce qui fait et fonde société. A une échelle métaphysique, cette question rejoint encore et toujours celle de la dialectique entre l'Un et le Multiple. Voir dans le multiple la manifestation de l'Un est une voie à même de nous fournir une solution humaine authentique et réaliste à cette question sociale. Mais cette approche implique une réalisation spirituelle et intellectuelle difficilement accessible au plus grand nombre. Or, sans cette conscience polymorphique de l'Un, l’idolâtrie sociale du Moi et du Même reprend ses droits et finit par imposer sa Force. Une forme métaphysique synthétique et redéfinie sur ses bases principielles seraient de nature à réunir les Hommes et à offrir, y compris aux plus fervents sceptiques les garanties d'une vie commune dès lors qu'elle s'appuierait sur la garantie réelle d'une liberté de conscience bien comprise. La liberté de conscience n'est pas une finalité en soi mais le moyen de rendre possible la rencontre, la discussion et la vie commune des Hommes dont les convictions vont jusqu'à se contredire et parfois même s'affronter. Une telle réalité ne peut advenir que par l'entremise d'une politique de l'esprit soutenue et mise en oeuvre par un Etat et des fonctionnaires formés et convaincus. Comprendre que cette liberté est la condition de possibilité d'une harmonisation sincère des esprits ; que la liberté de conscience authentique reflète, de ce point de vue, la manifestation de l'Un dans l'univers des existants ; et que si cette liberté ne fait que contenir virtuellement tous les existants dans sa manifestation, elle peut les réunir dans son principe, comprendre tout ceci est une condition indispensable à la mise en oeuvre d'une politique de l'esprit aussi ambitieuse. La liberté de conscience authentique est la possibilité spirituelle de cheminer et d'aller vers la rencontre de l'Unique. En ce sens, et en ce sens seulement, elle participe de la manifestation du sacré dans l'Homme.

L'ascèse impossible



L'ascèse du silence est très difficile à maintenir en société. Lors même que vous vous êtes résout à la poursuivre, les Hommes vous interpellent et viennent vous traquer jusqu'au seuil de la conscience, vous imposant toute sorte de débat futiles ou impossibles à tenir pour toutes sortes de raisons liées à l'intensité des convictions convoquées. Dans ces conditions, le silence, la volonté d'échapper aux polémiques et de cultiver l'art de se taire pour subsister là où demeure l'essentiel peut produire des dilemmes douloureux. Celui par exemple de n'avoir pas honorer suffisamment l'exigence de vérité ou de justice et peut-être même de l'avoir trahi. Sauf que la polémique est un engrenage : y tendre un seul doigt vous expose à mobiliser l'ensemble de votre corps, de votre esprit et toute votre âme pour en sortir épuisé, le plus souvent en pure perte. Les Hommes ne renoncent pas facilement à leurs passions et qui n'est pas prêt à renoncer à ses croyances ne devraient pas ouvrir une discussion contradictoire sur leur réalité.

Sentiers perdus



La connaissance est le chemin qui nous conduit de la vacuité de l'existence vers la réalité de l'Être. Ce chemin est sans localisation précise, et partant, sans limites. Aucune coordonnées ne peuvent l'indiquer. Il n'y a, comme qui dirait, ni commencement ni fin pour celui qui chemine sur les sentiers perdus de la Singularité cachée. La faculté de conservation de l'esprit est la seule garantie requise pour se prémunir de la dispersion et des sorties de pistes impromptues. Dans ce pèlerinage quotidien, quatre compagnons nous suivent. Le questionnement nous guide, la lecture nous élève, la mémoire nous préserve, la réflexion nous transporte. Et pourtant, qui peut vraiment dire où nous sommes ? Et à quelle distance se trouve la station du repos, que d'obscures et denses buissons, gardiens inflexibles, dissimulent à tous les regards angoissés des voyageurs égarés ? Porte engouffrée au cœur de l'inaperçu, de l'inattendu, là même où d'ardents aspirants retrouvèrent, au prix d'un engagement sacré où le sang a témoigné, le monastère oublié de la sainte félicité ? Nul ne nous l'enseignera : il faut choisir sa route, certes, mais l'accomplissement ne peut s'obtenir que dans l'oubli de soi. S'oublier dans ce monde, c'est ne faire plus qu'un avec le chemin, c'est devenir soi-même la route qui conduira vers Soi.

La seule loi connue


La foi nourrit l'espoir. Le pessimisme n'est pas admis en notre demeure. Les croyants sont des optimistes nés. Ils sont en paix, ils vivent en paix. La rancœur n'a pas pénétré leurs cœurs. De toute chose, ils entrevoient le meilleur et se regardant eux-mêmes dans le visage d'autrui, ils ne peuvent qu'ignorer le mal des autres. Et qui nous dira ce qu'est le mal ? Le mal est l'antithèse de l'amour, la violation de la loi car il n'est pas d'autre loi universelle que l'amour. Donner ? Oui, mais ne donnons que par amour où bien nous ne donnerons que la mort, le reliquat vide d'une âme absente. Rappeler à l'ordre nos proches ? Sans doute, mais que nos sévérités soient peintes aux couleurs de l'amour. L'amour est expansion et dans l'univers il n'est pas d'autre loi connue.

Léthé



Nous assistons, sous nos yeux, à la mort de l'humain. Quelle phrase étrange qui semble suggérer que celui qui la prononce décrirait autre chose que lui-même, comme s'il n'appartenait déjà plus à sa famille ontologique. La conscience, cette faculté auto-réfléchissante de l'esprit, permet cette distanciation et en ce sens précis elle nous offre déjà une voie de salut, un autre choix, une possibilité. En laissant la technologie devenir la médiation maîtresse de nos rapports humains, nous avons ouvert la porte de notre extinction collective. Nous sommes nés de la vie et nous sommes des êtres vivants. Nos cœurs se nourrissent de cette vie qui est le don et le signe de Dieu et de Sa manifestation indéfinie dans le monde, la nature et les Hommes. La civilisation moderne ne nous a pas conféré une plus grande liberté comme elle le promettait. Hélas, la modernité a inscrit dans nos cœurs la loi obscure du fatalisme technologique. En tournant le dos à la Source de Vie, l'Homme prométhéen avait initié un lent et long chemin funèbre vers la Mort éternelle. La mutation technologique qui n'est autre que le nom savant de la fabrique d'un monstre est à présent une étape décisive de cette marche ultime. Mais ne nous trompons pas. Si la fatalité est bien la loi d'airain du fer, drainée par la force irrésistible du fleuve Léthé, de son courant froid et anesthésiant, si l'oubli de nous-mêmes nous éteint et si le spectre nous étreint, la Vie est toujours présente, le Souffle n'a pas renoncé, la Lumière subsiste là où rien ne peut l'atteindre. L'envol du papillon demeure une promesse, celle de notre destin, et aucun oracle malsain n'y changera rien.