samedi 1 août 2020

Repenser la pratique du sacrifice



L’aïd al-adha commémore un événement religieux qui aura eu un retentissement universel : le sacrifice d’Ibrahim.
Dieu inspira en songe à son Messager de sacrifier son fils. Le Messager, troublé par le songe, consulte son fils. 
Le fils, pleinement convaincu, lui enjoint de faire ce qui lui a été demandé. Au moment fatidique, Dieu substitue un bélier au fils. L’épreuve s’élève au symbole.
Que reste-t-il de ces enseignements ? Pas grand chose. 

L’aïd al-adha est devenue depuis longtemps la fête du mouton, un moment où tels des carnivores voraces nous nous goinfrons de victuailles, de méchouis, de grillades, de bouzelouf, en passant pleinement à côté du sens profond de l’événement commémoré. 

Si ventre affamé n’a point d’oreilles, estomac gavé n’a point d’entendement.

Cette orgie de table est d’autant moins conforme à l’éthique de l’islam qu’elle est elle-même précédée d’une petite apocalypse de ces bestiaux à laine sacrifiés de plus en plus jeunes. 

A tel point que des certificateurs réputés comme AVS ont renoncé à certifier les bêtes de l’aïd, vu leur trop jeune âge. Trop d’agneaux, trop de bêtes, trop de gaspillage… A quoi cela rime-t-il ?

Nous ne remettons pas le rite de l’aïd al-adha en question, nous signalons le fait que ce rite n’a plus de sens pour nous et qu’il convient de lui restituer ce que nous lui avons confisqué, car in fine qu’est-ce que l’aïd al-adha ?
Célébrer l’aïd al adha, c’est se souvenir du geste héroïque de notre père Ibrahim. 
C’est se rappeler, au-delà des apparences trompeuses, la confiance indéfectible qu’un homme et son fils exprimèrent envers la bienveillance et la miséricorde de Dieu.
Célébrer l’aïd al-adha, c’est comprendre que ce monde est illusion, que les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être à première vue et que toute réalité, de la plus insignifiante à la plus importante, se trouve sous la coupe de Dieu.
C’est pour avoir oublié tout cela que l’aïd-al adha est devenue, non pas cette fête de la miséricorde divine qu’elle pouvait être, non pas la fête du geste héroïque abrahamique, ou celle de la patience inexpugnable du fils mais la fête du mouton, c’est à dire la fête du substitut à l’image de tout ce que nous lui avons substitué.
Nous avons sacrifié le sens de cette commémoration pour la consommation d’un mouton.
« Je pense qu’il faut libérer Abraham des carcasses de moutons pour le rehausser dans la force de la foi, là où Dieu nous l’a indiqué dans nos Textes juifs, chrétiens et musulmans. Un niveau plus spirituel, conforme à l’évolution de notre conscience collective », écrivait il y a deux ans mon ami et journaliste Amara Bamba.
Cette pléthore de carcasses qui viennent gorger des congélateurs qui ne savent plus quoi en faire nous appellent sans doute aucun à marquer l’arrêt et à penser le sens de ce que nous faisons.
Il est bien temps de limiter cette boucherie et de procéder différemment. 
En divisant par deux, trois ou quatre le nombre d’immolation, nous pourrions sacrifier avec d’autres (voisins, amis, proches) une seule bête, la partager en deux, trois ou quatre parties, en consommer une part, en offrir une autre.
Cette manière d’aborder le sacrifice serait plus économique biologiquement et financièrement, et plus rentable éthiquement et socialement par la dynamique de partage qu’elle générerait. 
Entre les appels à la profusion et les tentations de l’abolition, il y a une voie médiane. Empruntons-là.
Fouad Bahri



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