L’aïd
al-adha commémore un événement religieux qui aura eu un
retentissement universel : le sacrifice d’Ibrahim.
Dieu
inspira en songe à son Messager de sacrifier son fils. Le Messager,
troublé par le songe, consulte son fils.
Le fils, pleinement
convaincu, lui enjoint de faire ce qui lui a été demandé. Au
moment fatidique, Dieu substitue un bélier au fils. L’épreuve
s’élève au symbole.
Que
reste-t-il de ces enseignements ?
Pas grand chose.
L’aïd al-adha est devenue depuis longtemps la
fête du mouton, un moment où tels des carnivores voraces nous nous
goinfrons de victuailles, de méchouis, de grillades, de bouzelouf,
en passant pleinement à côté du sens profond de l’événement
commémoré.
Si ventre affamé n’a point d’oreilles, estomac gavé
n’a point d’entendement.
Cette
orgie de table est d’autant moins conforme à l’éthique de
l’islam qu’elle est elle-même précédée d’une petite
apocalypse de ces bestiaux à laine sacrifiés de plus en plus
jeunes.
A tel point que des certificateurs réputés comme AVS ont
renoncé à certifier les bêtes de l’aïd, vu leur trop jeune âge.
Trop d’agneaux, trop de bêtes, trop de gaspillage… A quoi cela
rime-t-il ?
Nous
ne remettons pas le rite de l’aïd al-adha en question, nous
signalons le fait que ce rite n’a plus de sens pour nous et qu’il
convient de lui restituer ce que nous lui avons confisqué, car in
fine qu’est-ce que l’aïd al-adha ?
Célébrer
l’aïd al adha, c’est se souvenir du geste héroïque de notre
père Ibrahim.
C’est se rappeler, au-delà des apparences
trompeuses, la confiance indéfectible qu’un homme et son fils
exprimèrent envers la bienveillance et la miséricorde de Dieu.
Célébrer
l’aïd al-adha, c’est comprendre que ce monde est illusion, que
les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être à première vue
et que toute réalité, de la plus insignifiante à la plus
importante, se trouve sous la coupe de Dieu.
C’est
pour avoir oublié tout cela que l’aïd-al adha est devenue, non
pas cette fête de la miséricorde divine qu’elle pouvait être,
non pas la fête du geste héroïque abrahamique, ou celle de la
patience inexpugnable du fils mais la fête du mouton, c’est à
dire la fête du substitut à l’image de tout ce que nous lui avons
substitué.
Nous
avons sacrifié le sens de cette commémoration pour la consommation
d’un mouton.
« Je
pense qu’il faut libérer Abraham des carcasses de moutons pour le
rehausser dans la force de la foi, là où Dieu nous l’a indiqué
dans nos Textes juifs, chrétiens et musulmans. Un niveau plus
spirituel, conforme à l’évolution de notre conscience
collective », écrivait il
y a deux ans mon ami et journaliste Amara Bamba.
Cette
pléthore de carcasses qui viennent gorger des congélateurs qui ne
savent plus quoi en faire nous appellent sans doute aucun à marquer
l’arrêt et à penser le sens de ce que nous faisons.
Il
est bien temps de limiter cette boucherie et de procéder
différemment.
En divisant par deux, trois ou quatre le nombre
d’immolation, nous pourrions sacrifier avec d’autres (voisins,
amis, proches) une seule bête, la partager en deux, trois ou quatre
parties, en consommer une part, en offrir une autre.
Cette
manière d’aborder le sacrifice serait plus économique
biologiquement et financièrement, et plus rentable éthiquement et
socialement par la dynamique de partage qu’elle générerait.
Entre
les appels à la profusion et les tentations de l’abolition, il y a
une voie médiane. Empruntons-là.
Fouad
Bahri
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