samedi 20 septembre 2014

Antiterrorisme : les conseilleurs ne sont pas les payeurs


















Le gouvernement a présenté lundi 15 septembre son projet de loi pour renforcer les dispositifs juridiques dans la lutte que mène la France contre le terrorisme, sur son territoire ou dans les différentes zones où la France est susceptible d'intervenir. Dans son édition de cette semaine, Zaman France s'est entretenu avec le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Pierre Tartakowsky.

La LDH, comme beaucoup de journalistes et de juristes, a exprimé son inquiétude à propos de la philosophie qui conduit ce projet de loi. Des dispositions de ce texte ont en effet de quoi effrayer sur l'ampleur de certaines préconisations. Ainsi, toute personne visitant un site internet appelant au jihad, incitant à se rendre en Syrie ou autre, sera potentiellement suspectée de terrorisme.

Si vous êtes chercheur en géopolitique, journaliste travaillant sur le terrorisme, ou simple curieux, vous êtes prévenu : toute visite sur un site faisant l'apologie du terrorisme risque de vous coûter cher. Le texte prévoit également l'interdiction de quitter le territoire français sur une période pouvant s'étendre à six mois avec suspension de passeport, en cas de «raison sérieuse» liée à un départ vers les filières syriennes et irakiennes de combattants. Pierre Tartakowsky évoque un point essentiel qui mérite un développement particulier.

Le fait que ce projet de loi réponde à des considérations émotionnelles qui sont celles de l'affaire Nemmouche et plus généralement de toute image, vidéo ou information relatant un acte de violence terroriste, avec dernièrement les vidéos de décapitations de ressortissants occidentaux par l'Etat islamique. Le terrorisme est une affaire très grave et qui concerne tout un chacun. La condamnation est pleine et entière de ces agissements qui forment les pires sacrilèges contemporains que l'islam ait connu.

Pour autant, la peur et la colère sont de mauvaises conseillères et il serait plus sage que nos représentants nationaux gardent à l'esprit que la meilleure réponse à la violence organisée demeure la prévention dissuasive. Les mesures publicitaires destinées à rassurer une opinion publique anxieuse ne feront qu'alimenter une spirale dans laquelle la violence arbitraire de lois susceptibles de frapper tout un chacun ne peut que renforcer le camp des désespérés, des êtres fragiles et manipulables, profils des jeunes qui partent en Syrie.
Par ailleurs, il est scandaleux que les gouvernements qui s'indignent aujourd'hui du développement de groupuscules extrémistes soient les mêmes qui, hier, les ont financés et leur ont fourni des armes pour renverser Assad en Syrie. Double discours, pratique cynique de la politique sur la base d'un même deal : gagner sur tous les tableaux. Piètre erreur car les calculateurs se trompent encore une fois.

Plus que jamais, notre époque nous enseigne une chose : nous vivons bon gré, mal gré, ensemble. Nous souffrons ensemble et, lorsqu'un fléau nous frappe, nous périssons ensemble. La crise écologique, la crise économique, la mondialisation de l'information et des échanges a créé ce nouveau paradigme : ce que tu fais à autrui te touchera également. Appelons cela l'éthique de responsabilité. Une notion qui nous manque cruellement.

Edito publié sur Zaman France

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