La
vie a fait de moi un soldat. Au printemps de mon existence, porté
par la pureté de mes sentiments, dans les doux nuages blanchâtres de
l'innocence, j'étais l'homme qui prie. Mais de ses doigts de marbre
le temps creusa, depuis, son sillon dans ma terre, et chaque
cicatrice enfouie, témoignage délicat de toutes ces saisons
passées, griffa dès lors, et secrètement, les lignes sauvages de
ce pourpre récit. A l'automne de mon souffle me voici devenu autre
chose, le messager méconnaissable d'un cri, son hypnotique, héraut
fantastique, né d'une rencontre inaugurale entre la source liquide
et la peau abondante, insolente, du monde. La vie, de moi, a fait un
soldat. Fruit d'une vibration antique à l'origine perdu, j'ai sans
cesse acquis la force de l'oubli, et dans ma chute enivrante, et dans
le mouvement de la vie, j'ai rebondi. Mais à moi-même je ne pus
jamais renoncer. Ma devise, la voici : combattre le jour pour que la
Vie l'emporte et prier la Nuit pour que la Paix triomphe. Et chaque
défaite cuisante me vît croître en savoir. Et chaque victoire
cinglante me fit croître en pouvoir. Le combat a fait de moi un
homme vivant. La paix qui me précède est un repos d'où je renais.
De la lumière, je me repais comme d'un repas de noce. Et de la
pâmoison ardente de la Terre avec les Cieux a surgi mon destin, et du
baiser brûlant de la Vie avec la Mort, j'ai été engendré.
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