dimanche 22 septembre 2019

La Terre céleste de l'éternité


Une règle d'or devrait être paraphée sur les frontispices de toutes les universités, les palais de justice, les places publiques... : affranchis-toi de la passion avant de prendre la parole et ne parle que si ta parole est essentielle. Le silence, lésé et piétiné par tous, pourrait recouvrir ses droits, et la vérité y gagnerait. Faisons preuve d'éducation et de respect dans nos mots et nos attitudes pour que la discussion ne vire pas en dissension, l'échange en polémique et le débat en pugilat. Ne craignons pas le silence et abstenons-nous de répondre par orgueil. Si l'objectif d'un échange n'est pas de reconnaître ensemble et de témoigner communément d'une vérité, alors la discussion est sans intérêt. 


De quelle vérité parlons-nous ? De la Réalité essentielle et de ses manifestations (Al Haqiqa). Ses manifestations peuvent être diverses mais son essence est unique. Faire le chemin de la manifestation vers l'essence implique des conditions et nous pouvons dire, à la lumière vacillante des débats publics, que ceux qui les réunissent sont rares, et à ce titre, précieux. Affranchissement des passions de l'âme (orgueil, vanité, peur, haine, colère, désir de briller...), langage sobre mais élevé, connaissance, patience, écoute sincère des autres, compréhension, éducation et maîtrise de soi. La plupart des Hommes parlent pour convaincre et non pour témoigner. Convaincre est inutile car c'est vouloir amener l'autre à soi par la force de son propos. Il faut aller vers l'autre et l'amener, non vers soi, mais vers le chemin de vérité sur lequel nous nous sommes nous mêmes engagés, ce qui signifie que nous le vivions. La saisie de la vérité est une voie qui implique un engagement total de l'Homme et son lot de sacrifices nécessaires. 


Une bonne conversation exige du temps, de la patience, de l'écoute, de l'interrogation personnelle, de l'entre-connaissance, et préliminaire de tous les préliminaires, un apaisement intérieur. Le fondement de la discussion est la réalisation spirituelle. Celui qui est en paix avec Dieu l'est avec le monde. Il ne crains pas de voir la vérité s'exprimer sous toutes ses formes, même celles qu'il n'avait pas prévu. Un tel Homme n'a pas de rapport d'inclination ou de possession à la vérité (sa vérité). Il sait différencier la Réalité du désir ou du penchant qu'il peut cultiver envers certaines de ces formes, et souvent même des illusions que son âme lui a forgé. Un tel Homme regarde, pense, écoute et parle avec son cœur, cet œil de l'esprit, ce qui l'amène à naviguer en toutes circonstances dans le sillage de la Réalité suprême. Et si le faux et le mensonge se présentent sous ses yeux, lui imposant leur laideur, lui exposant leurs traits hideux et leur odeur malsaine, il saura, là-encore, s'élever par la grâce et la noblesse d'un souffle au-dessus de ces contingences, les congédier tantôt vers l'abîme qui les fit naître, pour aller s'enraciner, Très-haut, dans la Terre céleste de l'éternité.

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