Une règle d'or devrait être paraphée sur les frontispices de toutes les universités, les palais de justice, les places publiques... : affranchis-toi de la passion avant de prendre la parole et ne parle que si ta parole est essentielle. Le silence, lésé et piétiné par tous, pourrait recouvrir ses droits, et la vérité y gagnerait. Faisons preuve d'éducation et de respect dans nos mots et nos attitudes pour que la discussion ne vire pas en dissension, l'échange en polémique et le débat en pugilat. Ne craignons pas le silence et abstenons-nous de répondre par orgueil. Si l'objectif d'un échange n'est pas de reconnaître ensemble et de témoigner communément d'une vérité, alors la discussion est sans intérêt.
De
quelle vérité parlons-nous ? De la Réalité essentielle et de ses
manifestations (Al Haqiqa). Ses manifestations peuvent être diverses
mais son essence est unique. Faire le chemin de la manifestation vers
l'essence implique des conditions et nous pouvons dire, à la lumière
vacillante des débats publics, que ceux qui les réunissent sont
rares, et à ce titre, précieux. Affranchissement des passions de
l'âme (orgueil, vanité, peur, haine, colère, désir de
briller...), langage sobre mais élevé, connaissance, patience,
écoute sincère des autres, compréhension, éducation et maîtrise
de soi. La plupart des Hommes parlent pour convaincre et non pour
témoigner. Convaincre est inutile car c'est vouloir amener l'autre à
soi par la force de son propos. Il faut aller vers l'autre et
l'amener, non vers soi, mais vers le chemin de vérité sur lequel
nous nous sommes nous mêmes engagés, ce qui signifie que nous le
vivions. La saisie de la vérité est une voie qui implique un
engagement total de l'Homme et son lot de sacrifices nécessaires.
Une
bonne conversation exige du temps, de la patience, de l'écoute, de
l'interrogation personnelle, de l'entre-connaissance, et préliminaire
de tous les préliminaires, un apaisement intérieur. Le fondement de
la discussion est la réalisation spirituelle. Celui qui est en paix
avec Dieu l'est avec le monde. Il ne crains pas de voir la vérité
s'exprimer sous toutes ses formes, même celles qu'il n'avait pas
prévu. Un tel Homme n'a pas de rapport d'inclination ou de
possession à la vérité (sa vérité). Il sait différencier la
Réalité du désir ou du penchant qu'il peut cultiver envers
certaines de ces formes, et souvent même des illusions que son âme
lui a forgé. Un tel Homme regarde, pense, écoute et parle avec son
cœur, cet œil de l'esprit, ce qui l'amène à naviguer en toutes
circonstances dans le sillage de la Réalité suprême. Et si le faux
et le mensonge se présentent sous ses yeux, lui imposant leur
laideur, lui exposant leurs traits hideux et leur odeur malsaine, il
saura, là-encore, s'élever par la grâce et la noblesse d'un
souffle au-dessus de ces contingences, les congédier tantôt vers
l'abîme qui les fit naître, pour aller s'enraciner, Très-haut,
dans la Terre céleste de l'éternité.
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