Mon cœur sent
l'orgueil monter dans la bouche de certains de mes interlocuteurs, dans leurs
mots, dans leurs aspirations doctrinaires. Ils me parlent de sagesse,
de métaphysique. Ils m'exhortent à la vertu et à la piété. Je
sens leur imposture et je vois la mienne et cette vue m'éventre le
cœur. Mon esprit sent d'une sensation intense le vide intellectuel
de mes contemporains dont l'aspect multiforme alimente sans fin la
préoccupation. Ce vide m'étouffe, m'accable et je vois
cette descente aux enfers, notre lente, très lente descente ponctuée
de pierres rouges nous écorchant la chair. Le dogmatisme des uns
nous assomment, la vacuité des autres nous ennuient. Nous rêvons de
liberté, nous rêvons de nous envoler dans les mondes de
l'esprit, ces territoires de Dieu où se préparent en ce moment même
et en grande pompe "les journées de Dieu", dans ces
contrées éloignées, au fond de tous ces lits où l'on ignore ce
qu'est la Nuit. Mais une vision m'a dit qu'entre nous et cette patrie se tenaient à perte
de vue des murs, des barrières, des abîmes au bout desquels siégeait une porte solennelle ouvrant elle-même sur une immensité glaciale, désert de
ténèbres qu'on n'aperçoit qu'en altitude et portant le nom
terrible de Solitude. La vision s'est interrompue et n'a plus rien dit. Alors une voix a poursuivi. En face, au bout de nous mêmes, nous attend
l'Hôte suprême.
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