Mes pensées, lourdes et fatales, sont des pierres. Il fut un temps où je m'amusais à les lancer au visage de mes ennemis. Accoutumé à la vue du sang et vite lassé de ces jeux stériles, je me plus bientôt à les faire ricocher à la surface glacée des lacs sauvages de mon esprit pour mieux en épouser les cercles, hypnotiques. Aujourd'hui, je m'efforce de les tailler, les polir, les embellir, les rendre plus hospitalières. Mais trop jaloux de mon bien le plus précieux et non décidé encore à les partager, je me résolus bientôt à les enterrer pour que ces lourdes pensées, ces pierres fatales prennent de l'âge, de la valeur, et que leur sombre éclat cède la place à de belles pierres, pierres précieuses de mes pensées les plus précieuses. A les enfouir loin de moi, dans les entrailles de la sainte terre, asile des disparus, refuge des exilés de ce monde. Ni trop près de la surface, de peur qu'on ne les piétinent, ni trop loin, dans les bas-fonds du centre de la terre, de crainte que plongées dans les océans de feu elles ne se fassent météores et s'emploient à lapider mes héritiers. Et qui donc serait digne de les posséder, si ce n'est celui qui aurait consacré sa vie à les rechercher...
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