Les
philosophes (Spinoza, Nietzsche) qui ont nié la possibilité d'une
liberté, fusse-t-elle relative, attribuant cette croyance à
l'ignorance des causes précédant une décision ou une action
conçues comme libres, ont visiblement péché par excès de zèle
naturaliste. La seule conscience que nous avons de nos actes, de nos
pensées, de la société, des lois et de tout ce qui définit notre
rapport au monde, en soi nous libère déjà de ce que nous pourrions
désigner comme un déterminisme aveugle, fatal et radical. Par la
conscience, nous transcendons l'immédiateté des choses. Le
souvenir, la mémoire, la méditation, la pensée profonde nous
arrachent de toutes formes de réductionnisme et le temps lui-même
ne parvient pas à nous retenir définitivement dans ses filets. La
conscience brise la chaîne du déterminisme en nous extrayant de son
emprise implacable. Il va sans dire que ce que nous nommons
déterminisme est une réalité probante et qu'il n'est pas question
de la nier ou de l'opposer à la liberté. En réalité, les
philosophes n'ont fait que transférer la Volonté divine dans cette
notion confuse et obscure de déterminisme, reliquat inavoué de la
métaphysique, étant entendu que toutes les formes de déterminismes
temporels, connus ou ignorés, qu'il s'agisse des lois physiques,
sociales, spirituelles, morales ou intellectuelles, relèvent toutes
du seul déterminisme qui soit concevable, à savoir le déterminisme
divin. Le paradoxe étant que la liberté est garantie par ce
déterminisme dès lors qu'elle en constitue la finalité, sommet
aérien et vertigineux d'une pyramide aux assises d'airain. La
condition de possibilité du libre-arbitre se trouvant être le
déterminisme lui-même, mais un déterminisme divin, éclairé,
conscient, omniscient, le seul type de déterminisme capable de
donner naissance à la conscience comme état (liberté en puissance)
et à l'acte moral (liberté pratique ou en acte). On nous accusera
certainement d'anthropocentrisme religieux, ce qui importe peu, les
procès ne nous passionnant guère. Nos accusateurs ne pourront pas
nier, pour autant, la réalité de la conscience, la singularité de
la pensée et seront bien forcés d'admettre, si tant est qu'ils
parviennent à se dégager un instant de l'étreinte forcenée de
leurs préjugés, l'évidence irréfutable du caractère inhérent à
la nature humaine de cette qualité étrange, sous tous rapports,
qu'on nomme liberté.
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