dimanche 8 décembre 2019

Léthé



Nous assistons, sous nos yeux, à la mort de l'humain. Quelle phrase étrange qui semble suggérer que celui qui la prononce décrirait autre chose que lui-même, comme s'il n'appartenait déjà plus à sa famille ontologique. La conscience, cette faculté auto-réfléchissante de l'esprit, permet cette distanciation et en ce sens précis elle nous offre déjà une voie de salut, un autre choix, une possibilité. En laissant la technologie devenir la médiation maîtresse de nos rapports humains, nous avons ouvert la porte de notre extinction collective. Nous sommes nés de la vie et nous sommes des êtres vivants. Nos cœurs se nourrissent de cette vie qui est le don et le signe de Dieu et de Sa manifestation indéfinie dans le monde, la nature et les Hommes. La civilisation moderne ne nous a pas conféré une plus grande liberté comme elle le promettait. Hélas, la modernité a inscrit dans nos cœurs la loi obscure du fatalisme technologique. En tournant le dos à la Source de Vie, l'Homme prométhéen avait initié un lent et long chemin funèbre vers la Mort éternelle. La mutation technologique qui n'est autre que le nom savant de la fabrique d'un monstre est à présent une étape décisive de cette marche ultime. Mais ne nous trompons pas. Si la fatalité est bien la loi d'airain du fer, drainée par la force irrésistible du fleuve Léthé, de son courant froid et anesthésiant, si l'oubli de nous-mêmes nous éteint et si le spectre nous étreint, la Vie est toujours présente, le Souffle n'a pas renoncé, la Lumière subsiste là où rien ne peut l'atteindre. L'envol du papillon demeure une promesse, celle de notre destin, et aucun oracle malsain n'y changera rien.

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