La réalisation de la Loi ne passe pas par son application mais par son accomplissement. L'application de la Loi marque le commencement de la réalisation mais elle n'est qu'un premier pas. Elle détermine les limites indispensables de la Voie et indique à l'itinérant la forme du chemin qu'il devra suivre. Sans ces limites, il n'est pas possible de discerner préalablement le bien du mal et de s'en prémunir. Mais il est nécessaire de comprendre que la Voie verticale de l'itinérant en quête d'accomplissement débute là où s'arrête le sentier horizontal du fidèle. Celui qui se lance sur les traces de l'essence de la loi trouvera l'Esprit. Si la loi, en tant que mise en ordre, est bien la manifestation extérieure de l'Esprit, l'esprit est lui-même la manifestation intérieure de Dieu. En allant s'abreuver à la source de l'Esprit, l'aspirant transcende de fait la Loi extérieure, et par ce fait même, l'accomplit. Vivre la loi, c'est devenir la Loi, son signe manifeste sur la Terre. S'il n'y a pas de lettre de la loi sans esprit de la loi, l'inverse est aussi vrai à ceci près que la loi, forme, langage et acheminement, bien loin de réduire l'esprit, nous conduit vers Lui, et ne demeure sous ce rapport qu'une forme médiate. Ceux qui espèrent s'émanciper de la Loi allant jusqu'à voir dans son abandon le signe d'une réalisation spirituelle n'ont pas saisi ce qu'était le sens de la Loi n'ayant pas identifié la source spirituelle de sa manifestation. Quant à ceux qui réduisent l'esprit à la Loi en le confondant avec, ceux-là ne connaissent la nature ni de l'un, ni de l'autre.
La loi est un sentier clairement tracé, censé nous mener des étroites limites de notre existence vers les immensités célestes de la Voie divine. En nous élevant bien au-delà des limites du sentier vers l'Esprit de la Loi, nous nous offrons la possibilité de nous irriguer, en amont, de tout ce dont la loi ne constitue, en aval, qu'une application partielle : la force, la pureté, la vigueur, l'harmonie, la beauté et la vivacité de l'Être. Comprenons que la loi n'est qu'un moyen destiné à protéger et à garantir à l'Homme l'accomplissement de cette finalité sacrée : s'affranchir des ténèbres de l'oubli pour être ramené à la vie de l'Esprit qui nous a fait naître. Cette seconde naissance ou renaissance ne s'obtient que par les Voies sacrées de l'Amour qui la préside. Si l'être est présence, l'amour, qui est expansion, est bien la manifestation suprême de l'Être. De ce point de vue, l'amour, tout à la fois principe, voie et loi, est sans nul doute le premier des commandements intérieurs de l'Esprit. Mais bien peu sont les Hommes aptes à l'accomplir. « Tu ne pourras jamais être patient avec moi. Comment endurerais-tu des choses que tu n'embrasses pas de ta connaissance ? » (Coran, 18, 67-68). La patience est sans nul doute la condition de la connaissance, la confiance en est la garantie et l'amour en est la source. Quant à l'itinérant accompli, qu'il prenne garde et se prépare. L'accomplissement de la Loi de Dieu le mènera tôt ou tard à défier la loi des Hommes. Sa seule existence est un scandale pour le commun des mortels, une menace qu'ils ne peuvent tolérer, conscients que sa présence annonce, pour leur ordre factice, la promesse certaine d'une abolition. C'est en ce sens qu'il faut comprendre qu'en tout temps la manifestation de la Loi divine, dans le cœur des Hommes, a toujours su trouvé comme corollaire immédiat la limitation temporelle de la loi des Hommes, qui n'est autre que l'expression la plus visible de leurs passions.
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