La
Vérité a été révélée pour l'Homme, et pourtant, nul autre
adversaire ne fut plus acharné contre elle. C'est sans doute à la passion,
ce char enflammé conduisant nos cœurs vers les cendres de nos
illusions, que nous le devons. « Et
n'habillez pas la vérité avec le faux, et ne dissimulez pas la
vérité alors que le savoir vous a été donné » (Coran, II, 42).
Pour autant, et si tant est que nous appartenions à cette catégorie de ceux à qui
la connaissance a été donné, que nous sera-t-il permis de faire
contre ce redoutable adversaire ? Rien. Rien, car si la vérité
elle-même n'a pas creusé son sillon dans un cœur voilé par les
tuniques bigarrées et séduisantes de la vraisemblance, si notre
message est rejeté, menacé par les lances aiguisées, héritées
des guerres du passé, si nos paroles, sans cesse déformées par les
brumes de l'esprit, nous sont renvoyées au visage comme des actes
d'accusation, si la main tendue devient, sous l'effet de la lumière,
l'ombre menaçante d'un spectre auquel on tourne le dos, alors il
n'est rien d'humain qui puisse être fait. Il est, dans ce cas,
préférable de s'éloigner, de revenir à la paix primordiale et
d'adopter comme demeure l'immuabilité divine de l'impassibilité. En
toutes choses, le temps doit faire son oeuvre, et ce qui doit passer
«
sous le Ciel »,
le fera, quoi qu'il en soit.
Cependant, il nous est encore permis
d'espérer car les portes de l'esprit, toujours, sont ouvertes pour
ceux qui vivent en Dieu. Et dans la bienveillance envers nos
prochains, et dans la prière pour une issue favorable, nous
trouverons un appui solide, ainsi que dans la patience. «
Et fais preuve de patience en restant avec ceux qui prient matin et
soir ne désirant que Sa Face » (Cor, 18, 28), « ceux qui se
recommandent la vérité et se recommandent la patience » (Cor, 103,
3). Revenir radicalement à Dieu et à Lui seul, en purifiant nos
cœurs de tous les vestiges de l’idolâtrie, en nous délestant de
toutes les médiations, en honorant fidèlement notre pacte
d'allégeance, en cultivant les devoirs de l'hospitalité et en
semant les racines de la confiance, nous semble être une proposition
de premier ordre pour une politique de l'esprit à la fois
ambitieuse, légitime, et de ce fait recevable pour l'humanité. Nous
l'avons souvent répété et ne cesserons de le faire : notre
immunité se trouve dans un cœur lavé des passions humaines, un
cœur sain et apaisé. Cette ascèse est une condition préliminaire
d'accès à la connaissance gnostique puisqu'un cœur souillé par la
convoitise ou la haine ne peut entrevoir le Visage de Dieu. Porter
sur le monde un regard empreint d'une vision sacrée accordée par la
grâce du troisième œil (le cœur) ne pourra que nous élever
très-haut au dessus des nuées de la discorde. Et en nous conduisant
à la Source, nous rétablira dans nos droits.
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