jeudi 5 juin 2014
Terrorisme : ne cédons pas à l'amalgame
La dernière affaire de la tuerie de touristes israéliens en Belgique a relancé le dossier brûlant des filières de combattants djihadistes en Syrie. L'arrestation et l'interrogatoire de Mehdi Nemmouche, un Français arrêté en possession d'armes et soupçonné d'être l'auteur de la fusillade, a également ravivé la crainte des musulmans de France d'être amalgamé à cet acte criminel et plus généralement à l'extrémisme religieux. Chaque fois, les mêmes inquiétudes resurgissent. Un attentat ou un acte terroriste est commis : l'identité de l'auteur est découverte et présentée par la presse comme musulmane, souvent d'origine maghrébine, et c'est alors que le maëlstrom médiatique se lance. L'évènement suscite naturellement la peine, la colère et la condamnation pleine et entière de tous les Français, musulmans compris, mais la focalisation sur la dimension religieuse de l'acte prend le dessus. Certains somment leurs compatriotes de marquer leur condamnation, ce qu'ils font déjà officiellement par le biais des institutions musulmanes et plus anonymement dans le cadre de leur vie quotidienne, voire même de se «désolidariser» pour reprendre les termes du philosophe Michel Onfray, comme si solidarité il y avait. Mais cela ne suffit pas, ne suffit plus. La création d'un climat de défiance générale, de haine, d'amertume et de peur, est bien là. Comment désamorcer ce processus infernal et répétitif ? Tout d'abord, par une meilleure compréhension du phénomène. Ce que l'on sait pour l'instant permet de dresser un profil type de l'activiste de cette forme d'islam radical. Il s'agit d'invidus isolés, ayant un passé de délinquance et qui sont passés par la case prison. Dans le cas de Nemmouche, cinq ans d'incarcération. Psychologiquement en rupture avec la société, marginalisé socialement et économiquement, le ressentiment psychologique de Nemmouche a trouvé en prison un terreau idéal pour s'exprimer. L'influence d'autres prisonniers, qui ont trouvé dans le radicalisme militaro-religieux la voie royale de leur rédemption personnelle, une manière de se renarcissiser et d'atteindre le statut de martyr, équivalent islamique de la figure du héros grec, a fait le reste. Mais en sortant de prison, Nemmouche n'a pas aussitôt frappé la Belgique. Il s'est entraîné et a servi sous la férule de mouvements armés radicaux en Syrie. On ignore pour l'instant ce qui s'y est passé et ce qui l'a poussé, si les faits sont reconnus, a commettre l'irréparable, mais l'explication du mystère Nemmouche s'y trouve assurément. Il s'agirait donc de l'acte d'un individu seul, en rupture social et psychologique, en proie à la violence de la délinquance urbaine, incarcéré et orienté dans le huis clos carcéral, puis relâché sans surveillance et sans suivi. Des facteurs qui sont donc à des années lumière de la réalité des Français de confession musulmane. Le comprendre c'est aussi réussir à briser les murs que la peur terroriste peut susciter en nous.
Publié sur Zaman France
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