Les
hommes d'aujourd'hui n'accordent que peu de valeur à la vérité car
ils ne l'a désirent que pour eux seuls. Plongée dans le flux
incessant du devenir, la vérité ne se manifeste qu'au terme d'une
relation, d'une interaction, d'un rapport synchronique entre les sens
supérieurs de l'homme (cœur, raison, esprit) et la Réalité
polymorphe des mondes multiples. C'est l'un des dommages les plus
méconnus de l'individualisme que de nous avoir privé de la
possibilité de saisir ensemble le vrai. De ce moment sacré où une simple
écoute, une discrète observation devenait subitement contemplation.
La cruche se remplit, mais le récipient tremble de ne pouvoir
contenir l'Idée. Alors plus qu'une seule préoccupation : servir vite la
divine liqueur et l'offrir avant que la prochaine pluie ne se
déverse. Mais qui boira à notre coupe ? Où sont les hôtes ?
Et qui étanchera notre propre soif de vérité ? Cette
relation qui aiguille l'homme d'abord personnellement, le met bientôt
en demeure de s'expatrier vers d'autres cieux, et d'entrer en
dialogue avec autrui. Ici, pas de dispute, pas de discussion. Si mon
interlocuteur perçoit le premier le vrai communément recherché,
alors nous avons tous deux triomphé. Il n'y a pas de défaite dans
une quête sincère du vrai, il n'y a que des vainqueurs. L'ambition
et le pouvoir, honnis profanateurs, y sont interdits. Là se trouvent
les bienheureux car ils ont vu ensemble et partagé un moment de
vérité. Pendant un bref moment, des hommes simples ont goûté le
privilège de communier dans la Lumière de Celui qui n'est autre que
la Vérité...
La beauté s'apprécie dans la distance. La laideur se découvre dans la proximité. C'est peut-être la raison pour laquelle l'intimité amoureuse a pris, dans la tradition religieuse, la forme du mariage comme seul cadre légitime dans lequel l'union pouvait subsister. Car qu'est-ce que l'union sinon le lien réciproque ? Et qu'est-ce que l'amour, sinon le commun attachement ? L'engagement, le consentement : les sociétés traditionnelles ont eu cette sagesse de considérer que le fondement le plus solide de l'amour n'était pas le sentiment, inconstant, mais d'autres principes tels que la crainte de Dieu ou l'honneur, plus pérennes.
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