mardi 28 mai 2019

Le devoir d'être naïf




On suppose à tort que la naïveté est un défaut, une imperfection de l'âme, le signe d'une immaturité psychologique et d'un manque criant d'expérience. C'est ignorer ce qu'est véritablement la naïveté et les vertus qu'elle seule confère au naïf, car à tout bien considérer, la naïveté n'est pas autre chose qu'une magnifique opportunité de connaître les Hommes pour ce qu'ils sont réellement. La naïveté consacre le choix de la confiance ontologique envers son prochain et par cette grâce distinctive se voit attribuer la faculté du discernement entre le vrai et le faux. Le naïf peut accéder à cette connaissance parce qu'il l'a accepté en lui-même, parce qu'il a su accueillir l'autre tel qu'il est, et ce dans l'indétermination de toutes ses possibilités. De cet accueil sincère, qui est cueillette et saisie des cœurs, se trouve le secret gnostique de la naïveté que saisissent les initiés et qu'ignorent définitivement les sceptiques, dont le cœur voilé ne peut plus distinguer ni la vérité, ni la fausseté des Hommes. 


Par cette disponibilité ontique qu'ils reçoivent directement de Dieu, les naïfs se distinguent des autres et cette distinction les désignent comme les messagers naturels de l'évidence, les portes-voix attitrés et inspirés de la Vérité. Mais cette qualification a un coût. La mise à nu de soi implique une prise de risque que seuls les endurants peuvent offrir au monde. La confiance élémentaire qui les anime leur en accorde en quelque sorte le privilège insigne. Il fut un temps où cette vertu était connu des sages. En ces temps troubles où la mort spirituelle plane et surplombe, tel un vautour, nos têtes courbés vers le sol, ce savoir a été oublié. Les naïfs sont les témoins proches de nos lointaines origines et à ce titre, les hérauts de notre avenir. Ils forment, de notre race déchue, l'avant-garde éternelle.


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