samedi 17 mai 2014

Calomnie, barbarie, discernement : une chronique souterraine



-Répondre à une calomnie, c'est lui accorder le statut théorique de potentielle vérité. Le tribunal populaire offre toujours gracieusement le bénéfice de la certitude aux accusateurs. Ne pas répondre à une calomnie, c'est lui accorder la présomption de vérité, car qui ne dit mot consent. Répondre à une calomnie par une contre-calomnie est le moyen le plus sûr de la neutraliser (Le Bon). Mais la fin ne justifie pas les moyens, et la contre-calomnie est le moyen certain de provoquer notre chute. Alors autant se taire et laisser le temps faire son œuvre car «toute vérité doit être vécue avant d'être dite» (Pingaud). La quête du vrai est une entreprise tortueuse et exigeante. Qui veut effleurer les portes du Ciel se doit inévitablement d'accomplir l'ascension des monts terrestres qui les bordent et les gardent.















-La part du faux. Le but de tout homme sensé depuis que le savoir et la conscience de soi se sont rencontré, a été de s'assurer que sa vie, ses croyances et ses connaissances étaient vraies. Que je sache, aucun être ne s'est jamais fixé comme but de vivre dans le faux, l'erreur et l'illusion, car ces choses n'ont pas d'ipséité. Elles ne sont que pures conjectures. Un être sensé ne peut vivre durablement dans le faux, quant bien même ce dernier lui paraîtrait vrai. La découverte de la source est inévitable car l'ombre se nourrit de la lumière. Mais la condition humaine n'est pas et ne sera jamais purement sensée. «Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée» (Descartes). J'en doute, car je suis celui qui a su un jour que le bon sens pouvait être subverti. La part du vrai. Nul n'a jamais eu le monopole de la vérité. Pour un ensemble de raisons propres à chaque société, nous envisageons et jugeons les choses selon une situation sociale, culturelle, psychologique, religieuse ou philosophique particulière. Nos jugements changent avec le temps, car la connaissance, l'expérience et notre transformation nous mènent à entrevoir de multiples perspectives sur le monde et les hommes. Facteur démultiplicateur, nos jugements prennent une forme quasi systématique lorsque nous nous engageons dans des voies partisanes. Les oeillères idéologiques restreignent notre champ cognitif et moral. Elles ne nous font percevoir du monde, des choses et des hommes, que leur part de vérité ou de fausseté. Les deux étant mêlées chez la plupart des fils de l'homme, nous en sommes très souvent réduits à être borgne car «il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir». La réduction du principe «vrai» ou supposé tel, au défenseur du principe vrai, et l'assimilation inductive de ses propos à la vérité, est courante comme le dénonçait en son temps Al-Ghazali. Et évidemment, le contraire aussi, pour nos adversaires ou nos ennemis, a fortiori pour nos «frères». Dès lors, le franchissement de cette impasse intellectuelle semble évident : si le prix d'un parti pris est le sacrifice d'un œil, fermé volontairement, alors le recours à un troisième œil, comme le dénomme les traditions hindouistes, bouddhistes et taoïstes, celui du discernement (furqane) pour paraphraser le Coran, s'impose. Quand le troisième œil s'ouvre, pénétrant insensiblement les choses de son regard, tout devient plus clair. Et c'est seulement ainsi qu'il nous sera possible de nous hisser au-delà du vrai, au-delà du faux, au niveau du juste. Et c'est seulement ainsi que nous pourrons déceler la part de vrai et la part de faux que chacun porte en soi.






















-La barbarie n'est pas la régression de la culture à l'état de nature, mais sa destruction. Qu'a donc été le mouvement de la culture humaine sinon l'extrapolation sous de multiples expressions des possibles indéfinis de la nature humaine. Guerre, science, commerce, arts, politique, n'ont eu de cesse de remédier aux besoins des sociétés : survivre, croître, prospérer, perdurer au fil des siècles. Dans ses pires excès, l'homme l'a appris, l'eut-il pour cela appris à ses dépens, car tous les états sont dans la nature humaine. Du microcosme humain au macrocosme social, tout est affaire de degré, de perspective. Quant les règles culturelles des hommes les mènent à violer les lois naturelles, nature et culture périssent ensemble, indissociablement. L'esprit de l'homme en fait par nature, un être de culture.   

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