Mon dernier édito sur le Front national, l'islamophobie et la notion de «seuil de tolérance acceptable».
A chaque nouvelle élection, le même scénario semble se reproduire. Aux
dernières échéances électorales des municipales et à l'approche des
européennes, l'islam devient peu ou prou, un des thèmes de campagne du
Front national. A Mantes-la-Ville, le maire FN tente de bloquer un
projet de mosquée pourtant voté et validé par le précédent conseil
municipal. A Hayange, en Moselle, Fabien Engelmann désormais aux
manettes de la municipalité a publié un ouvrage dans lequel les
qualificatifs les plus violents servent à désigner la seconde religion
de France, identifiée comme une menace nationale. Plus récemment, Marine
Le Pen, qui construit une alliance avec les partis d'extrême-droite du
Vieux continent à l'occasion des élections européennes, a défendu le
droit du Néerlandais Geert Wilders de comparer le Coran à Mein Kampf,
le livre écrit par Adolphe Hitler. Les propos hostiles et islamophobes
tenus par des responsables du Front national ne surprennent plus grand
monde. A mi-chemin entre un positionnement idéologique partagé par
l'ensemble des partis de cette mouvance politique, et une stratégie
électoraliste volontairement agressive, ce phénomène produit
paradoxalement des effets pervers. Le premier est aisément identifiable :
il s'agit de la banalisation de ces propos et de la constitution d'un
climat de violence identitaire tendant progressivement au rang de
consensus national. La clé de compréhension de ce phénomène est ce que
nous pouvons appeler la notion de «seuil de tolérance acceptable». Cette
notion psychologique, à la fois individuelle et collective, tient lieu
de marqueur moral. Elle consiste à considérer qu'une certaine dose de
racisme, de rejet et d'intolérance est propre à l'être humain et qu'à ce
titre, elle peut-être tolérée mais pas justifiée. Cette tolérance est
variable, graduelle, mais surtout mobile. Le niveau des perceptions
sociales et l'intensité de l'empathie ou de l'antipathie naturelle ou
fabriquée que peuvent susciter des groupes humains, religieux, ethniques
ou sexuels, est rarement durablement statique. En période de crise, on
connaît désormais les phénomènes de cristallisation de ces sentiments
qui mènent à la désignation de ce que René Girard définissait comme la
figure du bouc émissaire, incarnation humaine du Mal que la société doit
conjurer ou expier. Le seuil de tolérance acceptable contribue ainsi
presque inconsciemment, par glissement répétif et naturel, à produire
une violence symbolique chez les individus qui précéde toujours le
passage à l'acte de violence physique. Le comble étant que certaines
agressions de nature islamophobe aient pu, à titre d'exemple, être
ressenties comme un acte d'auto-défense à l'égard de l'islam qui serait
le vrai danger. Il n'est donc pas inutile de réfléchir dès à présent sur
le chemin que prend la France, sous l'influence de ces prêcheurs
politiques de haine, et de l'avenir du vivre-ensemble national. D'autant
que les situations de tensions civiles et de violences identitaires,
sont rarement réversibles.
article publié sur Zaman France
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