Il
n'y a ni privilège, ni fatalité. Ceux qui ont si peu estimé la
valeur du Bien se sont reniés eux-mêmes. Le mérite se convoite car
il s'hérite, se plaisent-ils à croire. La perdition restera
toujours un mystère, pour les voyants. Pour ceux qui n'ont pas perdu
le mystère. Le mérite se gagne à la faveur de ce que nous lui
offrons, car il n'est pas de don possible pour ceux qui ont tout
reçu. Quand à la vertu, elle ne surgit pas du néant. Elle se
cultive à la sueur de nos efforts, qui l'abreuve, et à la lumière
de notre conviction qui la nourrit. Encore faut-il en avoir. Mais
avoir des convictions est insuffisant.
Il arrive fréquemment que
l'émissaire du Mal vienne à notre rencontre, se risquant à violer
nos frontières, dans l'espoir de franchir notre demeure. Dans sa
poursuite effrénée, l'Ombre nous réclame un bien précieux, notre
dépôt. Nous enveloppant de sa forme obscure, nous caressant de ses
doigts troublants, la main aux douteuses extrémités cherche à
pénétrer le seuil de notre sanctuaire pour y déverser discrètement
une fiole opaque, un poison. Mais dans la proximité des ténèbres,
l'Homme de vertu trouve son territoire, et brille, dans le sillage de
leur confrontation, par sa force tranquille.
Contre la chaleur
étouffante de la corruption, on l'a vu se muer volontiers en orage.
Face aux brumes épaisses du mensonge, le voilà devenu tornade. Aux
coulées répugnantes de l'égarement, aux écoulements sinueux de
l'avidité, aux sables mouvants de l'égoïsme, répondent en chœur les fléaux sinistres de l'Apocalypse, ses amis, que sa prière a
convoqué sans tarder. Rare, intense et lourde de sens, sa parole
résonne dans les cavités célestes comme l'écho d'une annonciation
primitive. Son regard est foudroyant. Son silence, magistral.
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