Aujourd'hui, j'ai eu
l'insigne privilège de participer à un débat relativement bref
mais explicite sur le voile et le féminisme musulman, avec plusieurs
féministes laïques, hommes y compris, sur Facebook. Cela aurait pu
s'appeler «anecdote insignifiante dans le monde des certitudes
féministes». Mais en réalité, rien est insignifiant. Tout fait
sens, toute chose porte en elle-même sa marque et laisse son
empreinte dans ce monde qui est nôtre. En ce qui concerne ce débat
lapidaire, le sens se trouve, il me semble, dans la posture
caractéristique de ce que l'on nomme l'idéologie, cette grille de
lecture politique du monde qui transmue ses adeptes en guerriers d'un
ordre juste appelé à s'imposer sur les masses, soldats transportés
par le souffle religieux d'une inspiration, souvent néfaste. Je ne
parle pourtant pas ici des vieilles guerres européennes de
religions, pas plus que des Croisades. Voici les attendus de ce qui
fut un procès, accompli dans le tribunal invisible de
l'excommunication subite prononcée par des jurés tapis dans l'ombre
de leur dogme, qu'on appelle parfois «bassesse».
Fatima-Ezzahra Benomar : Il y aurait donc un
féminisme qui passe par l'acceptation du voile, ce fameux voile qui
ne concerne que la moitié femmes de l'humanité ? Eh bien. Tant de
décennies de luttes courageuses des femmes dans le monde, tant
d'héroïnes dont on ne connait pas le nom, tant de lutteuses
ensanglantées pour arriver à cette conclusion. En fait, les
religieux n'avaient qu'à nous laisser faire, les dénoncer, nous
libérer sexuellement, risquer nos vies en affrontant leurs dogmes
sacrés... pour qu'on retourne sagement au point de départ dont nous
nous étions péniblement arrachées. Et rajouter qu'en vrai, ce
voile-là se choisit, et peut nous être agréable. Il est quand même
fort, ce patriarcat !
Le patriarcat a rarement été, dans l'opération
d'asservissement des femmes, un régime qui s'impose par la force.
Les us et coutumes patriarcales sont intériorisées dès l'enfance,
et observées par les femmes aux quatre coins du monde, tant qu'elles
n'ont pas analysé et qu'elles ne se sont pas élevées contre leur
condition commune. Donc oui, beaucoup de femmes dans le monde pensent
choisir d'admettre ce régime, de se soumettre à ses règles
inégalitaires et profondément sexistes, et c'est le devoir des
mouvements féministes de les convaincre que ce système est injuste
et violent.
Laurent Lévy : La question demeure : est-il
juste (et productif) d'interdire le port du foulard à l'école. Pour
mémoire, quelques centaines de gamines, pour la plupart issues de
milieux populaires, ont été déscolarisées à la rentrée 2004.
Est-ce qu'on règle les questions idéologiques et politiques par des
mesures administratives et de police, par la répression ?
Fouad Bahri : La question est plus
fondamentale Laurent, je crois. Il s'agit à la lumière de nos
expériences humaines de plusieurs siècles de commencer à mûrir
une double attitude, faite de savoir et de sagesse. La notion
d'émancipation est une notion relative à la situation du dominé,
le mode d'émancipation est relatif à sa weltanschauung. Imposer une
conception de l'émancipation et un modus operandi à l'ensemble des
humains est une aberration, une posture excessive autrement dit
injuste. Nier la liberté de croyantes au nom de la liberté est un
extrémisme qui rappelle l'injonction de Robespierre : «Pas de
liberté aux ennemis de la liberté». Les pseudos discours qui
parlent d'aliénation de ces femmes sont d'une malhonnêteté
suintante. Quant au déterminisme radical défendu par Loukass, il
abouti à une négation de la liberté et il constitue une arme à
double tranchant. Appliqué au féminisme revanchard et de combat, il
lui ôte sa substance libérale et proclame l'avènement d'un
fatalisme adulé sous les oripeaux de la modernité. La France n'est
plus depuis longtemps une société patriarcale. Tous les attributs
du patriarcat lui ont été soigneusement retiré. Sécularisation,
libéralisation des moeurs, fin du modèle traditionnel de la
famille, émergence d'un discours dominant politiquement correct sur
le féminisme et autres postures libertaires : je ne vois pas ce
qu'il y a de patriarcale dans tout ceci. Dernière chose : le voile
est globalement une marque de pudeur et de proximité spirituelle
d'une croyante avec Dieu. Ce même principe de pudeur est appliqué
aux hommes, qui font souvent preuve, dans les milieux religieux, d'un
rigorisme vestimentaire (qamis, chechia, barbe) comparable, qui
recouvre la quasi totalité de leur corps. Il n'y a guère que les
cheveux qui sont couverts en plus chez les femmes et encore, dans
plusieurs pays arabes du Golfe, les hommes portent une longue capuche
qui couvrent leurs cheveux. Ne nous trompons pas d'analyse et
n'excommunions pas politiquement des individus en raison de leur foi.
Fatima Ezzahra-Benomar : Ce qui est sympa avec
ce genre de statuts, c'est que ça permet de débusquer les affreux
masculinistes qui se cachent dans nos listes d'amiEs, et de les
raccompagner vers la sortie. J'adore le passage négationniste : «La
France n'est plus depuis longtemps une société patriarcale. Tous
les attributs du patriarcat lui ont été soigneusement retiré.
Sécularisation, libéralisation des moeurs, fin du modèle
traditionnel de la famille, émergence d'un discours dominant
politiquement correct sur le féminisme et autres postures
libertaires : je ne vois pas ce qu'il y a de patriarcale dans tout
ceci.»
Zemmour, sors de ce corps !
Zemmour, sors de ce corps !
Pol Nasens : Les femmes voilées d'Europe
encouragent la répression dans les dictatures islamistes. Ayant la
chance de vivre dans des pays démocratiques, elles ne se rendent pas
compte qu'en portant «librement» le voile, elles cautionnent
l’aliénation de la femme dans les théocraties. Le voile permet au
système islamiste d'affirmer son pouvoir machiste dans la rue.
Fatima-Ezzahra Benomar : «Elles» rien du
tout. Elles ont des mecs derrière elles.
Le voile est un fantasme, une volonté et un projet de domination masculine, entretenu et imposé, par la force, par l'intimidation ou par l'élaboration d'une culture patriarcale, par "les hommes"
Le voile est un fantasme, une volonté et un projet de domination masculine, entretenu et imposé, par la force, par l'intimidation ou par l'élaboration d'une culture patriarcale, par "les hommes"
Fouad Bahri : Fatima-Ezzahra Benomar ! Vous
m'obligez à utiliser un autre compte pour vous répondre (après
avoir été exclu de sa page, ndlr). Votre attitude est sectaire,
vous excluez tout ceux qui ne pensent pas comme vous. Je connaissais
vos positions idéologiques et pourtant je ne vous ai jamais exclu de
mes contacts car ce n'est pas ma philosophie. Votre attitude est
réellement dommageable, pas pour moi, mais pour vous. Vous renvoyez
une image radicale et intolérante de vos postures idéologiques
alors mêmes que des individus comme moi pourraient partagez des vues
communes avec vous sur d'autres sujets comme la justice sociale ou la
condamnation de la violence. Encore faut-il avoir la maturité de
dialoguer avec les autres et de sortir de son auto-satisfaction qui
pousse qu'à ne parler qu'entre soi. Ce qu'on appelle du
communautarisme, je crois. Bien dommage.
Fin.
PS : remplacer féministe par
capitaliste, communiste, islamiste, écologiste ou ce que vous
voudrez et vous obtiendrez régulièrement, bien que non
nécessairement, le même résultat. L'absence d'arguments,
l'excommunication immédiate au nom des valeurs les plus nobles
(vérité, justice, liberté, égalité...), le procès
d'intention, la diabolisation...
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